LA CHINE ET LE MONDE DEPUIS 1949

Introduction

La Chine est devenue un géant économique qui a ravi la place du Japon depuis une dizaine d’années et menace aujourd’hui celle des États-Unis. Elle est en train de s’affirmer sur la scène internationale. Pourtant, au début du XXème siècle la Chine était un État très faible, déchiré par des conflits internes et complètement sous l’influence des puissances occidentales et du Japon.

Le partage du gâteau chinois par les puissances (de gauche à droite le Royaume Uni, la Prusse, la Russie, la France et le Japon. Caricature publiée en 1898 par le Petit Journal.

Le souvenir de sa grandeur passée hantait la mémoire de nombreux chinois[*].

Trois quarts de siècle plus tard, en 1973, l’homme politique français Alain Peyrefitte publie un livre intitulé « Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera ». A cette époque, la Chine, vit sous le régime de Mao Zedong. Elle a réussi à s’affranchir des influences étrangères, mais son développement économique reste faible. Elle est alors isolée sur l’échiquier mondial et c’est un pays fermé sur lui-même. Toutefois, à partir des années 80, la Chine entre dans une phase de mutation qui se traduit par près de trois décennies de forte croissance continue et par une rapide ouverture sur le monde.

La Chine constitue un exemple de développement unique au monde puisque elle a conservé un régime politique de type communiste tout en adoptant un régime économique capitaliste et en s’ouvrant aux flux de la mondialisation. Elle est fermée à la démocratie et à la circulation des informations mais ouverte aux marchés financiers et aux exportations.

Dans quelle mesure les relations entre la Chine et le reste du monde sont-elles liées à son mode original de développement ?

 

 

 

 

1/ LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE AU TEMPS DE MAO – LA PUISSANCE PAR LA VOIE MAOÏSTE (1949-1976)

a) La prise du pouvoir par les communistes après vingt-deux ans de guerre civile

Le contenu de ce a) n’est pas à connaître, mais il me paraît essentiel de comprendre ce qui s’est passé avant la naissance de la Chine communiste pour comprendre les évolutions de la politique chinoise depuis 1949!

Les communistes ont pris le pouvoir en Chine en 1949, mais ils avaient entamé leur entreprise de conquête du pouvoir presque trente ans plus tôt.

Dans les années 20, le littoral chinois était sous l’influence des grandes puissances étrangères. Les grandes puissances européennes n’ont pas colonisé la Chine mais l’ont divisée en zones d’influence économique[*].

Les empereurs de la dynastie Qing se sont accommodés de cette situation. Pour conserver le pouvoir, ils ont signé des accords de concession avec les Européens et les Japonais, accords qui octroyaient à ces dernier des droits très importants sur des enclaves territoriales. Ces accords sont aujourd’hui connus en Chine sous le nom de « traités inégaux »[*].

Une grande partie du territoire chinois était quant à elle sous l’autorité de potentats locaux (nobles ou anciens militaires) surnommés les « Seigneurs de la guerre ». Ils s’affrontaient entre eux pour étendre leur territoire, semant la désolation et exerçant un pouvoir autoritaire sur les populations[*].

La trêve momentanée entre Mao Zedong (à gauche) et Chiang Kaï-shek, le chef du parti nationaliste Guomindang. Les deux adversaires cessent les hostilités le temps de chasser l’envahisseur japonais. En réalité, seuls les communistes vont vraiment affronter les Japonais. Chiang Kaï-shek espère qu’ils seront détruits par ces combats mais le calcul s’avère mauvais. Non seulement les communistes survivent mais ils deviennent populaires en apparaissant comme les vrais défenseurs de la patrie face à l’envahisseur.

Dans cette Chine déchirée, deux partis se constituent alors pour libérer le pays de l’impérialisme occidental et chasser les « Seigneurs de la Guerre » :

  • le Guomindang[*], dirigé par Tchang Kai Chek. C’est un parti nationaliste.
  • Le Parti communiste chinois, sous l’autorité de Mao Zedong.

Après avoir été alliés pendant un temps, les deux partis deviennent rivaux et entament une guerre à mort à partir de 1927. Le conflit dure jusqu’en 1949 (avec une interruption durant la Seconde Guerre mondiale, où les deux partis signent une trêve et tournent leurs forces contre l’envahisseur japonais).

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis soutiennent la Chine car ils souhaitent favoriser l’émergence d’une puissance importante qui empêchera le Japon de chercher à prendre sa revanche. La Chine obtient ainsi un siège au Conseil permanent du conseil de sécurité de l’ONU. La guerre civile entre le Guomindang et les communistes reprend aussitôt. Malgré l’aide américaine, le Guomindang est battu par les communistes en 1949. Il se replie sur l’île voisine de Taïwan (qui appartenait alors à la Chine).

La République Populaire de Chine est proclamée par Mao le 1er octobre 1949. Pékin devient sa capitale. Chiang Kaï-shek, le chef du Guomindang, affirme de son côté que la « vraie » République de Chine continue d’exister à Taïwan. C’est d’ailleurs elle qui va être reconnue au Conseil de sécurité de l’ONU jusqu’en 1971, la Chine communiste étant considérée comme une puissance usurpatrice et n’étant pas représentée à l’ONU. Depuis 1949, deux États revendiquent donc le titre de « vraie » Chine.

VIDÉO N°1: LA VICTOIRE DES COMMUNISTES

 

b) La voie soviétique du développement et la rupture avec l’URSS

La victoire des communistes survient en pleine Guerre Froide, ce qui permet à la Chine de nouer des relations avec les autres membres du Bloc de l’Est. Elle commence par renforcer son alliance avec l’URSS par un traité signé en 1950.

Staline et Mao Zedong signent un « traité d’amitié, d’alliance et d’assistance mutuelle » le 14 février 1950 (timbre chinois édité à cette occasion)

La même année, la Chine participe à la guerre de Corée contre les États-Unis. En réussissant à tenir tête aux États-Unis elle s’affirme comme une puissance militaire avec laquelle il faut désormais compter.

A la même époque, la Chine soutient la lutte du Viêt-minh[*] dans la guerre d’Indochine contre la France. Par ailleurs, la Chine prend le contrôle du Tibet, qu’elle occupe militairement en 1950.

Cependant, Mao ne parvient pas à mettre totalement fin à la présence étrangère et n’ose pas risquer une confrontation générale avec les Américains. Hong Kong reste britannique et Macao, portugaise. Aucune opération militaire n’est tentée contre Taïwan (en particulier car la Chine ne dispose pas à ce moment là d’une force navale digne de ce nom et encore moins d’une aviation).

Jusqu’aux années 50, la Chine suit un modèle de développement en grande partie inspiré de celui de l’URSS, c’est-à-dire axé sur les industries lourdes, sur la définition de plans quinquennaux et sur une collectivisation rapide.

La terre des grands propriétaires est redistribuée à 300 millions de paysans (45% des terres changent de main).

La collectivisation des campagnes et la coopération avec des ingénieurs soviétiques (affiches de propagande, années 50)

Même au niveau de l’épuration idéologique la Chine marche sur les trace du « Grand frère » soviétique. Dans les années 20 Staline avait mené la « dékoulakisation » pour éliminer les paysans propriétaires. Mao imite cette politique : les autorités locales doivent identifier au moins une famille « d’ennemis du peuple » par village. Le goulag chinois (laogai) est inauguré. Cette terreur rouge fait entre 4 et 6 millions de victimes.

La Chine obtient de l’aide matérielle et technique de l’URSS pour fabriquer sa bombe atomique, qui sera opérationnelle en 1964.

Pourtant, les relations amicales entre les deux géants du Bloc communiste vont être de courte durée. La rupture sino-soviétique s’opère progressivement, à partir du milieu des années 50. Les causes en sont multiples :

  • La Chine, qui représente dès cette époque un quart de l’humanité, et dont l’histoire est bien plus glorieuse et ancienne que celle de l’URSS, accepte mal la domination du « Grand frère » soviétique.
  • Surtout, après la mort de Staline, en 1953, la politique de « déstalinisation » menée par Khrouchtchev et son concept de « coexistence pacifique avec les États-Unis » sont considérés comme des trahisons du communisme. Mao Zedong considère dès lors la Chine comme le seul vrai leader du bloc de l’Est. D’autre part, le culte de la personnalité de Mao, alors en plein essor, entre en contradiction avec les idées nouvelles promues par Khrouchtchev qui dénonce de son côté le culte voué à Staline.
  • Enfin, des désaccords divers existent entre la Chine et l’URSS par exemple au sujet du tracé de leurs frontières communes.

Le rapprochement entre la Chine (représentée ici par le n°2 du régime, Zhou Enlaï) et le Premier ministre indien Jawaharlal Nehru

L’une des premières manifestations d’indépendance de la Chine à l’égard de l’URSS est sa participation à la conférence de Bandung qui rassemble en 1955 les partisans du non-alignement[*]. La Chine, en se joignant à ce mouvement des non-alignés, espère créer ainsi un troisième bloc (concurrent du bloc de l’Ouest et du Bloc de l’Est) dont elle veut essayer de prendre la tête. La Chine se rapproche à cette occasion de l’Inde et de la Yougoslavie[*].

La Chine se présente comme un chef de file des peuples du tiers-monde luttant pour leur indépendance face aux puissances impérialistes (affiche chinoise de 1964)

Cette politique de rapprochement de la Chine avec les pays en développement est appelée le « tiers-mondisme ». Dans le même temps, ses relations avec l’URSS continuent de se dégrader. Lors de la crise de Cuba, en 1962, Pékin critique Moscou pour son « aventurisme ». Mao reproche au dirigeant soviétique d’avoir provoqué une crise avec les États-Unis sans être prêt à aller jusqu’au bout du conflit, c’est-à-dire sans envisager de faire la guerre. Après le recul de Khrouchtchev face à Kennedy, Mao dénonce sa capitulation.

La rupture sino-soviétique est consommée en 1963 avec la dénonciation par Mao du traité d’amitié sino-soviétique qui avait été signé 13 ans plus tôt. Peu après, des incidents de frontière éclatent au Kazakhstan (une République soviétique frontalière de la Chine) mettant les deux pays au bord de la guerre.

La rupture avec l’URSS a aussi des conséquences sur la politique intérieure de la Chine. Mao commence aussi à prendre ses distances avec le modèle de développement économique de type soviétique. Il insiste notamment sur le développement autarcique des campagnes. Partout en Chine, le peuple doit pouvoir subvenir à tous ses besoins, non seulement alimentaires mais aussi industriels. Cette voie de développement est présentée comme un modèle de socialisme mieux adapté aux pays du tiers-monde. Cette nouvelle politique de développement économique commence à être appliquée en 1958. Elle porte le nom de « Grand Bond en avant ».

Cette doctrine maoïste est profondément nationaliste : c’est une manière de refuser que la Chine soit soumise à d’autres puissances. Pour renforcer l’indépendance du pays (notamment au niveau économique), Mao prône un développement autarcique : l’économie chinoise doit selon lui limiter au maximum les échanges avec le reste du monde et être capable d’assurer par elle-même tous ses besoins. Cette politique, du « Grand Bond en avant » est généralisé à toute la Chine malgré l’avis négatif des ingénieurs et des économistes. Il s’agit d’un projet délirant qui ambitionne de rattraper économiquement les États-Unis et l’URSS en une quinzaine d’année. Ce rattrapage est censé passer par une collectivisation totale et par le développement de « communes populaires », c’est-à-dire des zones rurales qui doivent devenir autonomes et autosuffisantes en cumulant un développement agricole et industriel.

Une vision idyllique d’une commune populaire sur une affiche de propagande en 1958. À la fin de 1958, 750.000 coopératives agricoles sont regroupées en 23.500 communes, constituées en moyenne de 5.000 familles ou de 22.000 personnes. Le modèle prévoit que les communes seront (théoriquement) auto-suffisantes dans tous les domaines : agricole, industriel (chaque commune devra bâtir ses propres fonderies d’acier), écoles, administration et sécurité locale (via une milice) où réalisation des tra-vaux d’infrastructure. Le programme se met en place avec différents degrés d’extrémisme selon les régions. L’organisation est généralement paramilitaire, les cuisines et les crèches deviennent communes. Un discours de propagande idéalise le modèle communautaire en opposition au modèle traditionnel de la famille. Dans certaines régions, des dortoirs communautaires sont même créés en remplacement des foyers familiaux.

Mais le « Grand bond en avant » tourne à la catastrophe car les paysans ne peuvent pas travailler à leurs récoltes tout en développant l’industrie. De plus le manque d’ingénieur ou de techniciens compétent rend les communes populaires incapables de produire autre chose que des produits inutilisables ou de qualité très médiocre.

Comme à l’époque de la collectivisation stalinienne en URSS, la crainte que Mao inspire est telle que les responsables des communes populaires fournissent des statistiques truquées faisant croire que les objectifs ont été atteints et les dirigeants du Partis font semblant de croire à ces chiffres. La production s’effondre passant de 200 millions de tonnes de céréales à moins de 150 entre 1958 et 1961. Une famine s’ensuit, faisant, selon les estimations, entre 18 et 23 millions de morts (pour 650 millions d’habitants).

La réalité des campagnes chinoises en 1960 : l’archaïsme des techniques provoque une famine qui fait environ 20 millions de morts

 

La situation est si grave que Liu Shaoqi, le numéro 2 du régime, organise un coup d’Etat contre Mao, qui est mis à la retraite et remplacé par Deng Xiaoping. La politique du « Grand bond en avant est annulée et l’on revient à la situation antérieure.

Mais les nouveaux dirigeants ne changent rien à la politique extérieure de la Chine, qui reste un pays fermé, n’entretenant des relations qu’avec la Yougoslavie, la Corée du Nord et quelques pays d’Afrique.

 

c) Révolution culturelle et reprise en main par Mao

Tout le passage sur la Révolution culturelle n’est pas à connaître en détail car il s’agit principalement de politique intérieure. Il permet cependant de comprendre pourquoi à cette époque la Chine commence à opérer un retournement complet dans sa politique extérieure, comme le montre la fin de ce c)

Pendant les cinq années de sa mise à l’écart, Mao a comploté avec différents membres du parti communiste chinois pour organiser son retour au premier plan. Il lance à partir de 1967 un mouvement appelé « Révolution culturelle ». Il s’agit d’une mobilisation des masses – et en particulier des étudiants et des nombreux hommes qui lui sont encore fidèles au sein du parti et de l’armée –. Cette « révolution dans la révolution » aura pour but d’éliminer ses adversaires (Liu Shaoqi, Deng Xiaoping), qu’il qualifie de « mandarins rouges ».

Pour endoctriner la jeunesse, il fait diffuser un recueil de ses pensées résumées dans un « petit livre rouge » qui sera imprimé à des centaines de millions d’exemplaires (et même traduit dans de nombreuses langues[*]. L’étude du livre devient vite obligatoire dans les écoles et sur le lieu de travail. Toutes les ouvriers, employés, paysans, militaires organisent des séances de lecture en groupe pendant les heures de travail.

Ces affiches de propagande montrent différentes classes sociales (paysans, soldats, etc.) lisant ou exhibant le Petit Livre rouge. Les citations de Mao sont imprimées en gras et en rouge, et presque toutes les publications écrites, y compris les ouvrages scientifiques, devaient citer Mao. La compréhension et l’assimilation de la « pensée Mao Zedong » étaient censées améliorer de façon irréversible l’entrain au travail, et ainsi compenser largement au niveau de la production le temps passé à cette étude.

Des « dazibao » (affiches en gros caractères) sont placardées dans les universités pour dénoncer les « révisionnistes ». Les étudiants et les jeunes militants sont incités à former des groupes (les « Gardes rouges ») qui sont envoyés pour persécuter les ennemis désignés par Mao, les humilier publiquement et les obliger à dénoncer des trahisons imaginaires, souvent au moyen de passage à tabac.

Sur les panneaux suspendus au cous de ces cadres du Parti communistes, des accusations de « Contre Révolutionnaire » et de « Despote local ». Ces hommes sont exhibés devant la foule, hués et battus (parfois à mort).

Ces ennemis sont non seulement des individus nommément désignés, mais le plus souvent des catégories d’individus (notamment les hauts fonctionnaires et les intellectuels) désignées collectivement comme des ennemis du Parti, de la Chine et de Mao. Les victimes – lorsqu’elles survivent – sont ensuite envoyées travailler comme paysans dans les provinces rurales de l’intérieur du pays pour 20 ans.

Les intellectuels sont envoyés travailler dans les champs pour les rééduquer. Certains étudiants fanatisés le faisaient volontairement, comme preuve de dévouement au pouvoir maoïste.

 

Le mouvement devient vite incontrôlable, tout le monde accusant tout le monde de « révisionnisme ». Des groupes de gardes rouges, supporteurs fanatisés de Mao, affrontent d’autres gardes rouges, accusés d’être trop modérés ou trop radicaux, selon le cas.

Une brigade de gardes rouges récitant des préceptes du Petit Livre rouge sous le portrait de Mao. On voit que les Gardes rouges peuvent être très jeunes, ce qui ne les empêche pas de se révéler très cruels, bien au contraire, ces jeunes gens sont plus faciles à manipuler par Mao et ses sbires. C’est à cette époque que le culte de la personnalité autour de Mao commence à prendre des proportions délirantes, son effigie se répandant un peu partout sous la forme de portraits ou statures géantes.

La période de chaos qui s’ensuit, mène la Chine au bord de la guerre civile et contribue à faire prendre au pays des années de retard économique, technique et culturel. Cette période constitue pour la société urbaine chinoise un traumatisme dont le pays ne commencera à se remettre qu’après la mort de Mao.

Le bilan précis de la « révolution culturelle » est inconnu mais on estime qu’elle aurait fait entre un demi million et quatre millions de morts, 16 millions de personnes déportées dans les campagnes pour être rééduquées et au total plus de 100 millions de victimes de mauvais traitements (soit plus d’un adulte sur trois)[*]. Mao a réussi à reprendre le contrôle du pays et va se maintenir au pouvoir jusqu’à sa mort, huit ans plus tard. Durant cette période, la violence s’atténue mais le pouvoir dictatorial de Mao est à son apogée, de même que le culte de la personnalité. L’économie du pays est quant à elle complètement délabrée.

A partir de là je viens au cœur du sujet :

On peut cependant observer une évolution notable des relations entre la Chine et le reste du monde. Si les relations avec l’URSS continuent à se dégrader, la Chine entame en revanche un rapprochement avec l’Occident. Cela peut paraître étonnant dans la mesure ou la Chine et les États-Unis étaient jusqu’à présent les pires ennemis du monde, mais les dirigeants des deux pays, Nixon d’un côté et Mao de l’autre, y voient un calcul stratégique.

Pour Nixon, anticommuniste fanatique, le rapprochement avec la Chine est d’abord un moyen d’isoler davantage l’URSS, alors que son pays est à ce moment embourbé en pleine Guerre du Vietnam : en effet, le Vietnam est soutenu par l’URSS, et non par la Chine. Le Vietnam a de mauvaises relations avec la Chine car il la soupçonne de vouloir lui imposer sa tutelle. Donc, en vertu du principe selon lequel « l’ennemi de mon ennemi est mon ami », Nixon (conseillé par son ministre des affaires étrangères Kissinger) va commencer à opérer un rapprochement avec Mao[*].

Mao, de son côté, voit dans le rapprochement avec les États-Unis un moyen de s’affirmer comme le phare du bloc communiste. Il veut marginaliser l’URSS et souhaite que la bipolarisation du monde n’oppose plus l’URSS aux États-Unis mais la Chine aux États-Unis. Ces derniers devront alors négocier avec lui et non avec les soviétique. Il faut dire que les relations sino-soviétique ont encore empiré : en 1969, de nouveaux incidents de frontières mettent la Chine et l’URSS au bord de la guerre nucléaire.De la négociation avec les États-Unis, Mao attend deux avancées essentielles : s’emparer du siège chinois au Conseil de Sécurité de l’ONU (siège jusque là occupé par Taïwan) et annexer Taïwan pour réunifier la Chine.

Le rapprochement sino-étasunien s’opère par petites étapes à partir de 1971. Cette année-là, les échanges diplomatiques sont rétablis entre la Chine communiste et les États-Unis (des ambassades réciproques sont rouvertes dans les deux pays). Le rapprochement prend aussi la forme d’une reprise des échanges sportifs. Pour la première fois depuis 1949 une équipe sportive étasunienne (l’équipe de Tennis de table) se rend en Chine communiste. La presse étasunienne invente même l’expression de « diplomatie du ping pong » (comme on peut le voir sur cette couverture du magazine Legion, publié en octobre 1971).

VIDÉO : LA « DIPLOMATIE DU PING-PONG »

 

Cette affiche de propagande chinoise de 1972 est intitulée « La balle argentée transmet l’amitié ». La banderole dans les tribunes porte l’inscription : « Vive la grande union des peuples du monde entier ». A noter : les propagandistes ont choisi de représenter une athlète étasunienne noire, manière de rappeler que la Chine soutient la lutte des opprimés.

 

Pour amadouer Mao, les États-Unis font pression sur l’ONU afin que la Chine populaire remplace la Chine Nationaliste (Taïwan) au Conseil Permanent de sécurité. La décision est entérinée par l’ONU à la fin de l’année 1971. L’année suivante, en 1972, Nixon effectue un voyage en Chine, le premier voyage d’un Président des États-Unis en Chine dans toute l’histoire du pays. Ce voyage a été précédé et préparé par deux voyages secrets de Kissinger au cours de l’année précédente.

Si la Chine a obtenu satisfaction sur le siège à l’ONU, les États-Unis se montrent par contre intraitables au sujet de Taïwan. Ils maintiendront leur soutien militaire à l’île rebelle et s’opposent à toute réunification sous le joug communiste. Mao qu’il n’utilisera pas la force mais recherchera un accord pacifique de réunification avec le gouvernement taïwanais.

Cette politique n’empêche pas Mao d’apporter au même moment le soutien chinois aux pires régimes totalitaires de la région : la Corée et du Nord de Kim Il Sung, et le Cambodge de Polpot. Dans ce pays, les Khmers rouges ont pris le pouvoir en 1975 et mènent depuis cette date une politique délirante (très inspirée du « Grand bond en avant » et de la « Révolution culturelle ») qui provoque la mort par famine ou par exécution de près du tiers de la population du pays.

La Sorbonne en 1968. Slogan maoïste (« servir le peuple ») et portrait du « Grand timonier », ainsi qu’on surnomme alors le dictateur.

L’influence de la Chine communiste est aussi très marquée sur de nombreux intellectuels occidentaux. La plupart du temps il s’agit de communistes qui ont été dégoutés de l’URSS par la révélation des crimes de Staline. Ils croient que la Chine de Mao, au contraire de l’URSS, pratique un communiste réellement tourné vers le peuple. Des mouvements maoïstes fleurissent ainsi en Europe ou aux États-Unis dans le sillage du mouvement étudiant de 1968[*].

 

 

 

2/ LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE APRÈS MAO. NOUVELLE PUISSANCE, NOUVEAUX DÉFIS (1976 à aujourd’hui)

a) Deng Xiao Ping et l’ouverture

Mao Zedong meurt le 9 septembre 1976 à 82 ans. Deng Xiao Ping, compagnon de Mao de la première heure mais qui était tombé en disgrâce durant le Révolution culturelle revient au devant de la scène à partir de 1978. (voir biographie p. 264 du manuel)

Deng Xiao Ping invente le concept de « socialisme de marché » ou « socialisme à la chinoise ». Il s’agit en réalité d’introduire progressivement le système capitaliste dans l’économie chinoise en vertu du principe selon lequel l’important n’est pas l’idéologie mais le résultat. Deng invente le dicton « qu’importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape les souris ». Il se permet aussi une critique de l’héritage de Mao en déclarant : « tout ce qu’à dit ou fait Mao n’est pas forcément juste, il faut juger d’après les résultats ».

« La Chine s’éloigne du marxisme ». Deng Xiaoping à la une de Time Magazine en 1985.

Le programme des « Quatre modernisations » est mis en œuvre à partir de la fin de l’année 1978 : il est destiné à faire de la Chine une grande puissance économique d’ici le début du XXIème siècle. Mais contrairement au « Grand Bond en avant », cette modernisation ne prétend pas passer par l’autarcie ; au contraire, la Chine veut s’inspirer de ce qui marche dans les autres pays et commencer à nouer des relations économiques avec le reste du monde.

  • La priorité est accordée à l’agriculture : les communes populaires sont démantelées, les paysans peuvent exploiter individuellement une partie des terres et en vendre le produit sur les marchés, choisir leur production. C’est donc la fin de la collectivisation totale des terres. La croissance de la production qui en résulte est très nette.
  • Dans l’industrie, la planification n’est plus obligatoire mais seulement indicative pour les entreprises privées de petite taille, qui peuvent rechercher le profit. C’est un premier pas vers le retour au capitalisme.
  • Pour accélérer le processus de modernisation il est décidé d’ouvrir le marché chinois, en particulier pour l’achat de machines en provenance du Japon et de l’Occident.

« ZES Grandes portes ouvertes de la Chine ». Cette affiche de propagande de 1987 traduit le nouveau regard de la Chine sur le monde : les pays capitalistes (symbolisés par leurs drapeaux) ne sont plus des ennemis mais des partenaires.

Certaines entreprises d’État obtiennent le droit de nouer des partenariat (appelé des « joint-ventures ») avec des entreprises étrangères. Quatre ZES (zones économiques spéciales, c’est-à-dire des zones franches d’exportation) sont inaugurées en 1980. Elles doivent permettre d’attirer les entreprises étrangères (grâce à l’absence de taxes et à la main d’œuvre bon marché) et ainsi d’engranger des devises étrangères. Cela permet aussi de réaliser des transferts de technologie, c’est-à-dire que les usines chinoises acquièrent grâce à leurs partenariat avec des sociétés étrangères des machines, des brevets et des compétences jusque là inaccessibles.

Ces premières zones franches sont un tel succès que rapidement 14 villes côtières, puis 3 régions littorales sont ouvertes aux investisseurs étrangers ; en 1988 toutes les villes du littoral sont ouvertes puis en 1990 les villes des régions frontalières de la Russie, de l’Asie centrale, de la Birmanie, et du Vietnam.

  • Une troisième branche de la politique de modernisation du pays concerne l’éducation, les sciences et technologies. La Chine ambitionne d’élever le niveau d’éducation au même degré que dans les pays développés et de former des ingénieurs et des scientifiques capables de rendre le pays autonome. Le programme spatial chinois est aussi lancé dans le cadre de cette troisième modernisation.
  • La quatrième modernisation, celle qui concerne le domaine militaire, est de moindre priorité, car il ne faut pas effrayer les partenaires, mais avancer discrètement. Cette modernisation militaire est par contre menée de manière plus active depuis 1992. Le budget militaire chinois a quadruplé entre 2000 et 2015. Estimé à 120 milliards de $, il n’est que de 20% de celui des États-Unis, mais cela suffit à en faire le deuxième plus important du monde

Les étapes de l’ouverture de la Chine au monde à partir des années 1980. Les régions les plus ouvertes aux échanges sont les plus riches (en vert foncé). Les régions rurales, moins facilement accessibles depuis la côte, sont plus pauvres, mais de plus en plus d’entreprises ont fait le choix de s’installer dans ces régions pauvres car la population y accepte des salaires plus bas. C’est le cas par exemple de la société Foxconn.

 

L’ouverture prônée par Deng Xiaoping se limite à une ouverture économique. La démocratisation n’est pas au programme, comme va le montrer cruellement le massacre de la place Tien An Men en 1989. Pourtant, pendant une dizaine d’années, suite à la mort de Mao, le peuple chinois a cru qu’il allait enfin connaître la liberté. En décembre 1978, Wei Jingsheng, un ancien « garde rouge » repenti et converti en militant des Droits de l’Homme, affiche sur un mur du centre de Pékin un « manifeste pour la cinquième modernisation » : la démocratie. Il est aussitôt arrêté.

Le mouvement démocratique chinois renaît pourtant quelques années plus tard, au moment où la Perestroïka bat son plein en URSS. Cette politique de réformes menée par Gorbatchev comporte, outre son aspect économique, d’importantes mesures de démocratisation. Les étudiants chinois s’en inspirent et commencent à mener une campagne de protestation en faveur de l’instauration de la démocratie en Chine.Beaucoup entament une grève de la faim.

Des milliers d’étudiants s’installent sur la Place Tian An Men, au centre de Beijin pour réclamer la démocratie. Ils vont camper à cet endroit plusieurs semaines. La photo a été prise le 25 juin 1989, une semaine avant que la répression s’abatte sur eux. On peut remarquer que le jeune homme au centre porte une chasuble avec une inscription en anglais. En effet, des médias occidentaux sont alors présents en Chine et parlent de ce mouvement de contestation dans le monde entier, ce qui laisse croire aux protestataires que leur victoire est proche.

Des manifestations se produisent. Bien que rigoureusement interdites, elles se répètent et s’amplifient, profitant des hésitations du pouvoir. En effet, les dirigeants sont divisés sur la question. La moitié (le camp « réformateur ») comprend le mouvement, voire l’encourage discrètement ; l’autre moitié (les « conservateurs ») pousse Deng Xiao Ping, lui-même hésitant, à la répression. Le camp des durs finit par l’emporter, déclenchant une brutale répression qui fait des milliers de morts.

La répression débute le 4 juin 1989. Des centaines de corps de manifestants broyés par les chars ou abattus par la police jonchent les corps de la ville. Des milliers d’autres sont arrêtés et disparaissent pour toujours. Le bilan est encore inconnu. La date du 4 juin 1989 est un sujet tabou en Chine. Même les moteurs de recherche de l’Internet chinois ne donne aucun résultat si l’on tape la recherche « massacre de Tien-an-Men » ou « 4 juin 1989 ». Pour détourner la censure, les internautes parles du massacre du 35 mai 1989. Malgré cela, presque aucun chinois de la jeune génération n’a entendu parler de ces événements car ils ne figurent dans aucun livre et, bien évidemment ne sont jamais abordés dans les médias ou à l’école.

 

VIDÉO : LA RÉPRESSION DU MOUVEMENT DE TIEN-AN-MEN

Le monde entier condamne la répression menée par le gouvernement chinois, mais presque tous les pays du monde continuent à renforcer leurs liens économiques avec la Chine, car dans le contexte de la mondialisation croissante, nul ne peut ignorer l’attrait d’une population de 1,2 milliard de consommateurs potentiels ni la formidable opportunité d’une main d’œuvre qui est à l’époque 30 fois moins coûteuse que celle des pays développés.

 

b) La Chine du XXIème siècle : une puissance en voie d’affirmation

Après le retrait de la vie politique de Deng Xiao Ping en 1989 (à l’âge de 85 ans), c’est Jiang Zhemin qui lui succède et qui poursuit les réformes économiques.

Les prix sont libérés, un système bancaire moderne est mis en place et les privatisations d’entreprises d’État se multiplient. Ce sont des années de croissance record : 14% en 1993. Jamais moins de 7% par an depuis cette date.

Le niveau de vie augmente nettement et une classe moyenne d’une centaine de millions de personnes fait son apparition, s’ouvre aux influences étrangères et au mode de vie à l’occidentale (loisirs : 2 week-end de repos par mois ; tourisme ; nouvelles habitudes alimentaires – les fast foods se multiplient dans toutes les grandes villes, etc.)

Dans le reste du pays le progrès n’a pas atteint tous les villages dont 25% restent peu accessibles faute de routes goudronnées, et 80 millions de paysans vivent sous le seuil de pauvreté, cherchant à émigrer vers les villes.

Contrairement à Deng Xiao Ping, qui ne voulait pas que la Chine apparaisse comme une puissance menaçante, Jiang Zemin adopte une « stratégie de grand pays », poursuivie jusqu’à aujourd’hui. A partir des années 1990, la Chine ne cherche donc plus seulement à se développer économiquement, mais à rattraper ses concurrents et à diversifier ses formes de puissance. Son ambition est de faire aussi de la Chine une grande puissance militaire et diplomatique.

Dans ce domaine, la Chine part d’assez loin : jusqu’aux années 1990, la puissance militaire chinoise reste relativement modeste même si elle possède l’arme nucléaire depuis les années 1960. Jiang Zemin entame une politique de réarmement de la Chine qui va être accentuée par Xi Jinping (depuis 2012).

Le budget chinois de la défense de 2000 à 2015 en milliards de dollars

 

…Et pour ceux qui aiment bien les défilés militaires…

VIDÉO : LA DÉMONSTRATION DE FORCE DES 70 ANS DE LA CHINE POPULAIRE

Les ambitions diplomatiques de la Chine en Asie s’affirment. Elle renoue des relations avec ses voisins : Inde, nouvelles républiques d’Asie centrale, et même avec la Russie, qui est l’un des ses principaux fournisseurs d’armes.

Au tournant des années 2000, la politique extérieure chinoise se focalise sur la sécurisation des régions périphériques de son territoire : les deux régions qui sont particulièrement l’objet de son attention son le Tibet et le Xinjiang (région du Nord-Ouest peuplée d’une ethnie non chinoise : les Ouïgours musulmans). Dans les deux cas, la Chine mène une politique de désenclavement : une voie ferrée spectaculaire, la plus haute du monde, relie par exemple aujourd’hui le centre du pays au Tibet. Elle mène aussi une politique de sinisation (c’est-à-dire d’acculturation forcée) en imposant la langue chinoise et en favorisant l’implantation dans ces régions de colons chinois. Ils sont aujourd’hui plus nombreux que les Tibétains au Tibet.

La répression chinoise au Tibet. Arrestation de moins. Les moines sont le principal mouvement de résistance à l’occupation du Tibet par la Chine. Très fréquemment des moines s’immolent par le feu. Le gouvernement chinois, lui, a rasé plusieurs monastères qui contestaient son autorité.

Le train reliant la côte Est de la Chine au Tibet passe dans des régions d’une telle altitude qu’il est pressurisé comme un avion pour que les passagers supportent le changement de pression atmosphérique. Cette prouesse technologique, comme la modernisation des villes ou la construction de centrales électriques sont censés faire accepter leur sort aux Tibétains : progrès économique contre liberté.

La question taïwanaise reste au centre des préoccupations géopolitiques : la Chine réaffirme sa volonté de réunir Taïwan à la « mère patrie » et alterne la manière douce et la menace, organisant régulièrement des grandes manœuvres navales juste devant les côtes de l’île pour faire la preuve de sa puissance militaire. Plusieurs tirs de missiles chinois ont même survolé Taïwan en 1996. Mais personne ne prend cela trop au sérieux. Les économies des deux pays sont aujourd’hui très liées et personne n’a intérêt à une guerre. Malgré cela, le gouvernement de Beijin n’a toujours pas abandonné le rêve d’une réunification chinoise.

Pendant ce temps, l’ancienne colonie Hong Kong a été rétrocédée à la Chine et 1997 et Macao en 1999. Les deux territoires étaient des vestiges de l’époque des concessions, l’un sous contrôle britannique, l’autre sous contrôle portugais. Les deux pays ont longuement négocié avec la Chine pour que la réintégration soit progressive. Pékin a accepté que, durant une période de cinquante ans (donc jusqu’en 2047 et 2049), les deux territoires jouissent d’une autonomie qui leur permet de conserver leur propre système économique et social. Par exemple, à Hong Kong la liberté de la presse a cours et les travailleurs ont le droit de grève, contrairement aux autres Chinois. C’est le concept du « un seul pays ; deux systèmes ». La Chine a ensuite proposé à Taïwan de fusionner avec la Chine sur le même principe, mais l’Île a refusé.

En Asie, la Chine est aujourd’hui devenue la puissance dominante, même si le Japon reste un sérieux concurrent économique (en même temps qu’un partenaire), en qu’il possède une armée puissante (même s’il ne détient pas l’arme nucléaire). L’Inde et le Pakistan, en revanche, sont des puissances nucléaires, mais leur influence économique et diplomatique est très inférieure à celle de la Chine.

Une puissance régionale incontestée, qui s’appuie aussi sur des rapprochements avec d’anciens ennemis, comme les membres de l’ASEAN, ce pacte militaire créé en pleine Guerre Froide (1954) pour faire face à la Chine communiste.

 

Deux autres axes importants caractérisent la politique extérieure chinoise :

  • Développer sa coopération avec les principaux émergents et les puissances régionales (notamment du Moyen-Orient ou d’Amérique latine), notamment dans le but d’assurer ses approvisionnements. Dans ce cadre, la Chine a adhéré au début des années 2000 à l’association des BRICS. Elle a aussi passé des contrats de coopération avec de nombreux autres pays en développement.
  • En Afrique, la Chine investit sous forme de prêts qui servent à faire construire des infrastructures par des entreprises chinoises et à consolider ses approvisionnements par l’acquisition de mines ou d’exploitations pétrolières et l’achat de terres. Cette politique est souvent qualifiée de « Chinafrique ».

La Chine n’est pas le premier investisseur d’Afrique. Elle reste derrière les États-Unis et l’Union européenne en volume d’IDE mais elle est le pays dont la présence augmente le plus vite. Les relations commerciales sino-africaines ont explosé au cours des années 2000. Les échanges ont été multiplié par 12 en seulement 10 ans. Elle est principalement intéressée par le pétrole, les minerais rares (comme le coltan des smartphones) et les produits alimentaires. C’est que que l’on appelle la politique de sécurisation des approvisionnements.

La sécurisation des approvisionnements, une nécessité vitale pour la Chine, devenue le premier producteur industriel du monde mais disposant de peu de matières premières sur son territoire et devant assurer l’alimentation d’une population d’1,4 milliard d’habitants.

Souvent, ces produits sont échangés contre des infrastructures que la Chine finance : routes, voies ferrées, etc. Un certain sentiment anti-chinois commence à émerger en Afrique car les investisseurs chinois se comportent souvent comme s’ils étaient en territoire conquis et que plusieurs Etats africains se retrouvent aujourd’hui très endettés envers la Chine en raison du déséquilibre des échanges. (pour plus de détails, le dossier du manuel pages 266-267 peut être consulté). Voir aussi la vidéo suivante :

VIDÉO : « LA CHINAFRIQUE »

La Chine manifeste une forte volonté de s’insérer dans le concert des Nations et de développer le « soft power » :

  • Elle intègre l’OMC en 2001 afin de ne plus effrayer les partenaires commerciaux qui craignaient le non respect des contrats.
  • Pékin est choisie pour accueillir les JO de 2008 ; Shanghai accueille l’exposition universelle de 2010.
  • Elle ouvre dans de nombreux pays des instituts « Confucius » destinés à la diffusion de la culture chinoise. Leur nombre s’élevait à 250 en 2007. 1 000 sont prévus en 2020. Il y en a actuellement 14 en France.

Pendant les J.O., le grand ménage (dessin de Arend Van Dam pour courrier international, 2008)

Enfin, en 2013, Xi Jiping a lancé la nouvelle stratégie chinoise : « l’initiative route et ceinture ». Elle est souvent qualifiée de « nouvelles routes de la soie ». Il s’agit de mettre en place une série de liaisons ferroviaires et routières entre la Chine et ses principaux partenaires commerciaux en Europe et en Asie. Six corridors sont prévus. Le plus avancé (des passages terrestres) est celui qui traverse le Pakistan jusqu’à l’Océan Indien (en rose sur la carte ci-dessous). Il fait 2500 kilomètres et comprend une autoroute à 6 voies, 2 voies ferrées, 1 oléoduc et 1 liaison fibre-optique. Avec l’Europe, des liaisons ferroviaires régulières existent déjà entre la Chine et l’Allemagne, reliées en 12 jours, mais elles doivent être modernisées pour raccourcir encore la durée..

VIDÉO : LES NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE

 Cet immense projet, qui devrait coûter plus de 100 milliards de dollars et qui s’appuie sur un partenariat avec 65 pays vise à assurer les relations commerciales de la Chine avec le reste du monde, en particulier au cas où les liaisons maritimes seraient menacés par un conflit avec les États-Unis. En effet, les relations entre la Chine et les États-Unis sont de plus en plus tendues depuis une vingtaine d’années et se sont encore dégradées depuis l’élection de Trump qui veut rétablir des taxes sur les relations commerciales avec la Chine. La Chine a réagi en développant fortement sa marine de guerre (2ème marine du monde) et en lançant la tactique dite du « collier de perles » qui consiste à établir une série de bases le long de la route maritime entre la Chine et le Canal de Suez. Par exemple, à Djibouti, où vient d’ouvrir une nouvelle base chinoise.

 

Conclusion

Caricature de Stephff parue dans Courrier international, avril 2006

 

La Chine s’affirme depuis une vingtaine d’années comme une puissance montante. Après les trente années de fermeture relative du pays sous Mao, l’ouverture à d’abord été économique mais la Chine entend aujourd’hui disputer aux États-Unis la place de première puissance mondiale ce qui engendre des tensions entre les deux pays. La puissance chinoise inquiète aujourd’hui le monde, comme le montrent les titres de plusieurs ouvrages récents qui lui sont consacrés : La Chine sera-t-elle notre cauchemar ? (2005), Quand la Chine veut vaincre (2007), Le Vampire du Milieu (2010), La visée hégémonique de la Chine (2011), etc.

Les relations avec l’Occident restent compliquées : elle inquiète par son développement économique, mais elle séduit les investisseurs et les entreprises qui espèrent percer sur son marché gigantesque. Elle irrite par son non respect des règles de concurrence, sa pratique de la contrefaçon ou sa monnaie (le yuan) sous-évaluée qui lui permet d’inonder le monde de ses marchandises à prix imbattable, mais elle est devenue indispensable pour la plupart des industries de main-d’œuvre qui y délocalisent leur fabrication.

VIDÉO : LES TENSIONS ENTRE LA CHINE ET LES ÉTATS-UNIS

Les États-Unis ont depuis longtemps intégré le fait que la Chine est maintenant leur principal adversaire et ont mis en place une politique d’isolement en nouant des alliances militaires avec de nombreux pays qui entourent la Chine (Pakistan, Corée du Sud, Japon, Thaïlande, Singapour, Philippines, etc). En même temps, la Chine est indispensable aux États-Unis car c’est elle qui achète les titres de la dette des États-Unis et leur permet de continuer à imprimer indéfiniment des dollars. Inversement, l’effondrement de la monnaie américaine ruinerait la Chine. Les deux pays sont donc profondément dépendants l’un de l’autre.

Si le monopole de l’Occident est incontestablement terminé, il ne faut pas négliger certaines faiblesses internes de la nouvelle puissance chinoise :

  • son vieillissement pose le problème de la main d’œuvre, des retraites et de l’innovation.
  • la contestation sociale est déjà à l’origine d’une forte augmentation des salaires depuis une dizaine d’année et rend la Chine moins compétitive par rapport à des concurrents comme le Vietnam, le Bangladesh ou l’Indonésie.
  • le pays n’est pas à l’abri de nouvelles phases d’instabilité politique car les défenseurs des droits de l’homme y poursuivent une lutte difficile mais opiniâtre. De plus, la Chine est devenue un des pays les plus inégalitaires du monde (son indice de Gini [*] est de 0,47 soit presque autant qu’au Brésil). Enfin, la question ethnique n’est pas résolue, comme l’ont montré les troubles au Tibet en 2008.
  • son environnement a subi des atteintes extrêmement graves à cause de la rapidité du développement, du manque de prise de conscience de la part du gouvernement et surtout de la corruption endémique des autorités locales qui laissent les industriels contourner toutes les règlementations en échange de pots-de-vin. Sa consommation d’énergie est trop élevée (son industrie consomme, pour les mêmes fabrications, 50% de plus qu’en Europe) elle est le 1er émetteur de gaz à effet de serre, la pollution et la gestion de l’eau sont calamiteux, la pollution de l’air très grave, la déforestation se poursuit et la gestion des déchets anarchique.

Il est incontestable que la Chine dispose des atouts pour s’affirmer comme la puissance dominante de la seconde moitié du XXème siècle, mais cette puissance est encore incomplète et elle n’est pas dénuée de fragilités qui pourraient retarder son affirmation.