DEEP PURPLE – MARK I

Deep Purple, c’est un monument, un groupe intemporel, une sorte d’évidence.
Rien que l’intro de l’article Wikipédia vous pose le truc : « fondateurs du genre hard rock avec Led Zeppelin et Black Sabbath », « cinquante ans d’existence » (52 en fait à la date où j’écris cet article), « a vendu depuis sa création plus 130 millions d’albums à travers le monde ».
Bref, à part si vous êtes nés dans les années 1950 Deep Purple a accompagné toute votre existence et a contribué de manière non négligeable à influencer l’évolution de la musique populaire, notamment grâce à trois disques essentiels, trois jalons de l’histoire du rock : « Deep Purple in rock » (1970), « Machine Head » (1972) et « Made in Japan » (1972 aussi).

Un monument du rock taillé dans les falaises du Mont Rushmore

 

Ceci étant dit, on s’aperçoit qu’en disant ça on a presque rien dit sur Deep Purple. Car en réalité, ces deux années d’activité aux cours desquelles le groupe a publié ces fameux albums, ne représentent qu’une infime portion de leurs carrières, qui alignait en 2020 la bagatelle de 21 albums studio, 35 albums live officiels et un nombre incalculable de compilations plus ou moins légales.
Le groupe a aussi connu des changements de personnels et de style peu courants dans l’histoire du rock. Les différentes configurations du line-up de Deep Purple sont traditionnellement qualifiées par le terme de « mark » suivi d’un chiffre romain. Il y a donc Deep Purple Mark I, Mark II, et ainsi de suite jusqu’à Mark VIII.

Deep Purple dans sa configuration « Mark II ». De gauche à droite, Roger Glover, Ritchie Blackmore, Ian Gillan, Jon Lord et Ian Paice.

Pour la plupart des gens, c’est le mark II qui constitue le Deep Purple classique. C’est la composition réunissant Ritchie Blackmore à la guitare, Ian Paice à la batterie, Jon Lord aux claviers (je commence par eux parce qu’ils font partie des membres fondateurs), ainsi que Ian Gillan au chant et Roger Glover à la basse (ces deux derniers n’ayant intégré le groupe qu’en 1969). Le schéma ci-dessous (emprunté à Wikipédia) montre pourtant que cette configuration n’a eu qu’une assez brève existence par rapport à l’ensemble de la carrière du groupe. On ne la retrouve que durant les périodes 1969-1973, 1984-1989 et 1992-93, soit au total 11 années sur les 52 ans d’existence du groupe. Et il n’y aucune chance que cette formation mythique se reconstitue car Jon Lord est parti en 2002 rejoindre au paradis Tommy Bolin (guitariste de Deep Purple de 1975 à 1976 mort à 25 ans d’une overdose en 1976).


Finallement, c’est le membre le plus discret du groupe, Ian Paice, qui en aura été le seul permanent au cours de ses deux grandes phases d’existence : de sa création en 1968 à sa séparation en 1976, puis de sa reformation en 1984 à aujourd’hui.

Certains seront peut-être surpris de découvrir que la formation de Deep Purple ayant eu la plus grande longévité est celle qui est encore en activité aujourd’hui : le Deep Purple Mark VIII, qui regroupe depuis 2002 Ian Paice, Ian Gillan, Roger Glover, Steve Morse (guitare) et Don Airey (Claviers). Ces cinq là ont mené la barque pendant 18 ans. Par contre, ils n’ont sorti au cours de cette période que cinq albums studios (ils se sont largement rattrapé sur les disques live) alors qu’en presque deux fois moins de temps, le Mark II en a sorti 7. Voici la liste :
1970 : In Rock
1971 : Fireball
1972 : Machine Head
1973 : Who Do We Think We Are
1984 : Perfect Strangers
1987 : The House of Blue Light
1993 : The Battle Rages On
(Je ne prends pas en compte « Concerto for Group and Orchestra » (1969) car il s’agit d’un album enregistré en concert, même s’il est intégralement constitué de matériel inédit en studio).

Bref, Deep Purple Mark II a été l’incarnation la plus célèbre du groupe, la plus prolifique et la plus marquante ; les albums les plus connus (certains diront les meilleurs) ont été publiés sous son règne. Pourtant, avant que Deep Purple ne commence à s’imposer comme une figure du hard rock, le groupe a connu une période très différente qui, si elle n’a duré qu’à peine un an et demi, l’a vu publier trois albums, connaître un début de notoriété, notamment grâce au single « Hush » (1968), vendre plus de 4 millions de disques et, surtout, explorer un genre musical qui n’avait pas grand chose à voir avec celui pour lequel Deep Purple est aujourd’hui renommé. En effet, Deep Purple Mark I était aussi subtil, sophistiqué et aventureux que les versions suivantes du groupe furent bourrines, basiques et conformistes.
N’allez pas croire que je rejette ce que Deep Purple est devenu à partir de la fin de l’année 1969. J’aime aussi le rock bourrin et primaire. Mais je trouve dommage que cette première époque du groupe soit tombée aujourd’hui dans l’oubli ou bien pire, qu’elle soit tournée en ridicule par certains critiques ou certains pseudo amateurs du groupe.
Jean-Marie Leduc et Jean-Noël Ogouz parlent de cette incarnation de Deep Purple comme d’un clone de Vanilla Fudge « dont la spécialité est de traiter à la manière baroque des titres déjà connus ou des originaux » (in « Le rock de A à Z », 1990). Dans le dictionnaire du rock de Michka Assayas, le groupe est présenté ainsi : « L’initiative du groupe revient à un jeune industriel du textile à Londres, associé à un consultant en publicité. Les deux hommes cherchent à se faire de l’argent dans l’industrie naissante du rock. Ils rencontrent en 1967 Chris Curtis […] qui les persuade de financer un projet de groupe de rock autour de sa personne […]. » Finalement, Curtis ne sera pas de l’aventure mais grâce à lui, les cinq premiers membres de Deep Purple se sont rencontrés. Il s’agit de Jon Lord, Ian Paice, Ritchie Blackmore (déjà présentés plus haut) et de Rod Evans au chant et Nick Simper à la basse. Voici comment est qualifiée la musique que produit cette première incarnation du groupe : « Leur style musical est façonné par Jon Lord qui, impressionné par le groupe américain Vanilla Fudge […] veut en imiter la formule : des chansons pop interprétées dans un style heavy avec, selon la mode psychédélique, l’orgue en avant. […] Ses concerts présentent une musique assez progressive et déjà plutôt agressive. »
On n’en saura pas beaucoup plus sur cette période. Dans ces deux encyclopédies du rock, 95% de l’article est consacré aux années ultérieures du groupe. Dans l’Encyclopédie illustrée du rock (par Nick Logan et Bob Wooffinden, 1983), les années 1968-1969 de Deep Purple sont traités en moins de six lignes au cours desquelles ne sont mentionnées que les membres du Mark I et le nom des albums qu’ils ont publiés.
Si l’on se fie à ces rapides descriptifs, le début de carrière de Deep Purple ne présente pas beaucoup d’intérêt et ne brille pas par son originalité, ce qui incite le lecteur à se concentrer sur la suite. Je trouve que c’est très réducteur et que cette période mérite, sinon d’être érigée en apogée créatrice du groupe, au moins d’être remise à sa juste valeur.

Le premier album (« Shades of Deep Purple », 1968) a été enregistré en 18 heures sur un quatre pistes et il a bénéficié du succès de la chanson « Hush », sortie en single, qui a cartonné aux Etats-Unis. Vous savez, cette chanson que Tarantino à remis à la mode en l’incluant la bande sonore de son film « Once Upon a Time… in Hollywood » en 2019 !
On ne peut pas nier que Deep Purple n’ait été influencé par Vanilla Fudge et ait adopté la recette consistant à reprendre des chansons célèbres dans un style baroque et électrique. Vanilla Fudge avait créé un petit électrochoc en 1967 en réinterprétant de cette manière les chansons « You Keep Me Hangin’ On » (un tube des Supremes de 1966) et « Eleanor Rigby » (le succès des Beatles sorti lui aussi en 1966). McCartney et George Harrison adoraient le traitement que ce quatuor américain avaient fait subir à leur chanson, le second à même raconté qu’il l’écoutait en boucle pendant un moment.

La pochette du troisième album de Vanilla Fudge, « Renaissance », publié en 1968, presque au même moment que le premier album de Deep Purple montre que le groupe anglais ne s’est pas inspiré que de sa musique. On note une troublante ressemblance avec la pochette de Deep Purple in Rock, paru deux ans plus tard.

Les trois premiers albums de Deep Purple contiennent de telles réinterprétations, notamment les morceaux suivants :
– Help (des Beatles), I’m So Glad (popularisée par Cream) et Hey Joe (tous les trois sur Shades of Deep Purple)
– We Can Work It Out (toujours des Beatles) et River Deep, Mountain High (rendue célèbre par Ike et Tina Turner en 1966). Ces deux titres se trouvent sur le deuxième album de Deep Purple : « The Book of Taliesyn » (1968)
– Lalena (de Donovan) sur le troisième et dernier album du Mark I (album intitulé « Deep Purple » et publié en 1969).

Cela fait six chansons à la sauce Vanilla Fudge en trois album : on ne peut pas dire que le Deep Purple des débuts se soit limité à imiter les quatre américains. Il y a bien plus que ça sur ces trois disques.
D’abord, il y a d’autres morceaux qui ne sont pas du tout jouées dans le style « lourd et baroque » décrit plus haut, mais dans un style nerveux, rapide qui préfigure le hard rock à venir. C’est un peu le cas de « Hush », mais c’est surtout vrai de « Mandrake Root » (un morceau qui, en live, sera couramment étiré sur plus de 15 minutes et le prétexte à de longs solos d’orgue et de guitare), de « Love Help Me » (auquel les choeurs et le refrain donnent une coloration pop mais qui comporte une rythmique très électrique), de « Wring That Neck » (excellent instrumental qui, comme « Mandrake Root », est un cheval de bataille en concert), de « The Painter » et surtout de « Why Didn’t Rosemary? », avec son intro presque aussi tranchante qu’un morceau d’AC-DC, sa rythmique lourde et ses multiples solos de guitare qui permettent à Ritchie Blackmore d’accéder au rang de guitar hero aux côté des Clapton, Jimmy Page, Jeff Beck ou Alvin Lee, qui s’affirment à la même époque.

L’une des très rares photo de Blackmore sur scène au début du groupe (vers 1968)

Blackmore devenu un guitar hero à l’apogée de Deep Purple (vers 1973)

L’influence psychédélique est forte sur les trois disques (en fait surtout sur le deuxième et le troisème album), mais elle ne se limite pas à la recette Vanilla Fudge.
« The Book of Taliesyn » s’ouvre par un titre très « rock progressif » avec des effets de déformation de la voix et un rythme hypnotique. Il s’agit de « Listen, Learn, Read On ». Sur le même album, « Shield » contient un étonnant traitement des percussions tant dans son rythme ternaire que dans son solo où la guitare et les percussions s’entremèlent en une sarabande infernale.

The Book of Taliesyn, deuxième album de Deep Purple (et son plus psychédélique, comme le prouve la pochette)

Sur « Deep Purple », l’album de 1969, « Fault Line » est un court morceau de deux minutes qui sert d’intro à The Painter et qui est composé de bandes passées à l’envers sur lesquelles Blackmore place un solo de guitare.

Enfin, la dernière influence marquante de cette période, peut-être celle qui lui donne son principal intérêt, c’est celle de la musique classique. Jon Lord a toujours nourri un désir de fusionner rock et musique classique. Dans une interview de 1968, déjà, il parlait de Deep Purple comme d’un groupe de rock symphonique. Cela aboutira en 1969 à l’album (enregistré en concert en 1969 avec les musiciens du Mark II et un grand orchestre symphonique) « Concerto for Group and Orchestra » ainsi qu’à plusieurs albums solos qu’il publie en parallèle à son activité au sein de Deep Purple, comme Gemini suite (1971) ou Windows (1974).

Le 24 septembre 1969, Jon Lord réalise son rêve : faire jouer Deep Purple au Royal Albert Hall avec un orchestre symphonique (dirigé par Malcolm Arnold, qui gardera une opinion positive de l’expérience). La presse parlera beaucoup du concert, et plutôt en bien, ce qui contribuera à assoir la notoriété du groupe et donnera des idées à d’autres musiciens de rock comme Rick Wakeman (de Yes), Procol Harum ou The Nice (le groupe de Keith Emerson). De très longs passages du disques sont utilisés dans le film « La maman et la Putain », de Jean Eustache (1973)

Cette tendance à marier le rock avec la musique classique était déjà très perceptible dès la période du Mark I. Le morceau « Prelude: Happiness », sur le premier album, est emprunté à Nikolaï Rimski-Korsakov (bien que l’instrumentation reste entièrement rock, le violon et le piano étant joués par la guitare électrique et l’orgue Hammond). Même chose pour le morceau « Exposition » (rien que le titre sonne comme du classique) qui sert d’introduction à la reprise de « We can work it out » et qui incorpore des emprunts (discrets) à la 7ème symphonie de Beethoveen et à l’ouverture de Romeo et Juliette de Tchaikowsky. Sur « The Book of Taliesyn » la longue pièce intitulée « Anthem » comporte un véritable passage de près de deux minutes joué par un quatuor à cordes rejoint par l’orgue, le mellotron et la guitare électrique, le tout dans le style des fugues de Bach. Le même modèle de composition servira dans l’album suivant pour le morceau de résistance du disque, le magnifique « April ». C’est un véritable petit concerto de 12 minutes en trois parties. La première est interprétée à la guitare classique et l’orgue dans un style qui rappelle un peu le Concerto d’Aranjuez. La seconde, qui dure quatre minutes, est entièrement jouée par un petit orchestre classique dans le style de Vivaldi. La dernière, enfin, est un rock mélodieux qui s’achève par un long et très beau solo de guitare.

Ces expériences de fusion musicale n’ont pas forcément enchanté tous les membres du groupe. Ritchie Blackmore était sûrement le plus réservé. A l’issu du concert au Royal Albert Hall, il a lancé un ultimatum au reste du groupe : maintenant, on arrêtait les expériences et on passait au hard rock, promettant que si ça ne marchait pas, il s’engageait à jouer toute sa vie avec un orchestre. Je ne résiste pas au plaisir de citer ici des passages de l’interview qu’il a donné à ce propos en 1979 dans Souds magazine (mais comme j’ai la flemme de traduire, soit vous sautez le paragraphe, soit vous faites un effort) : « In ’69 we went into the classical stuff because it was Jon Lord’s big thing to write a concerto for group and orchestra. He was very sincere, but I didn’t like playing it or respect the fact that we were doing it. The orchestra was very condescending towards us, and I didn’t like playing with them, so it was one big calamity onstage. But Jon was happy with it and management was happy with it because we had a press angle, which I resented very much. […]
I love orchestras, chamber music—unaccompanied violin is my favourite. But I respected them too much, and we just weren’t in the same calibre. I’d been playing 15 years at the time, and stuck next to some dedicated violinist who’s been playing for 50 years just to give an angle to the press—it’s insulting. That’s why it started and ended very abruptly. »

Si Jon Lord aux claviers et Ritchie Blackmore à la guitare sont les évidentes figures de proue de ce Deep Purple première mouture, il ne faut pas négliger les autres musiciens. Ian Paice ne fait certes pas dans la fioriture, mais il sait s’adapter à tous les styles et il prouve en concert qu’il est un pilier essentiel du groupe. Le style de basse de Nick Simper est assez audacieux dans la mesure où il ne se contente nullement d’assurer la base rythmique mais tisse de véritables arpèges en contrepoint de la batterie, de l’orgue et de la guitare. Quant à Rod Evans, il possède une voix très souple, lui permettant de monter assez haut dans les mediums et de descendre très bas dans les graves. Son côté un peu crooner ne l’empêche pas d’être à l’aise et crédible sur les morceaux plus rock (il suffit pour s’en convaincre d’écouter ses performances sur « Why didn’t Rosemary » ou « Love help me »).

Des trois albums qu’a réalisé Deep Purple au cours de ces deux années il est difficile d’en désigner un meilleur que l’autre. Le premier est probablement celui dont la fraîcheur est la plus évidente. Les conditions d’enregistrement – presque en live -, le choix judicieux des reprises et la qualité des premières compositions du groupe explique qu’il ait bien marché à l’époque, se hissant à la 24ème place du Billboard 200 aux États-Unis.
Le second est probablement le plus inégal, souffrant de quelques morceaux plus faibles comme « Listen, Learn, Read On » ou « Kentucky Woman » (reprise de Neil Diamond). Mais on y trouve aussi quelques uns des meilleurs morceaux jamais publiés par Deep Purple, notamment l’instrumental « Wring That Neck », les deux excellentes compositions « Shield » et « Anthem » (évoquées un peu plus haut) et une version de « River Deep, Mountain High » très longue (10 minutes), très « vanillafudgienne » et très réussie (solo de folie enregistré en multipiste dans les deux dernières minutes). Finalement, le plus solide des trois disques semble être le dernier, qui ne comporte aucun mauvais morceau, est très varié dans son inspiration et ne comprend quasiment que des compositions originales (une seule reprise : « Lalena », aussi belle que la version originale de Donovan bien que très différente, ce qui, après tout, est l’intérêt d’une reprise). Surtout, « April » vaut à elle seule l’écoute du disque.

La pochette moyennement originale de Deep Purple 3 (tirée du volet de droite du Jardin des délices, de Jérôme Bosch). Une photo du groupe est placée entre la harpe et la viole de gambe. Cette scène de Bosch est connue des spécialistes de la peinture sous l’appellation de « l’enfer musical ». Le groupe connaissait-il ce fait ? A-t-il choisi cette image pour cette raison ? Je ne le sais pas.

 

Après cette avalanche de compliment, on serait en droit de se demander pourquoi Deep Purple n’a pas poursuivi dans cette voie.

L’explication est double.

D’abord, Deep Purple a énormément pâti du manque de soutien de son label, Tetragrammaton, dont la faillite en 1969 a précipité l’explosion du groupe.
Déjà, au moment de l’enregistrement de « Deep Purple » (l’album de 1969), il ne disposa que de quelques jours épars entre février et mars pour enregistrer de nouvelles chansons qu’il n’avait même pas eu le temps de finaliser, étant pressé par son manager de tourner aux Etats-Unis. Or c’était le troisième disque qu’on leur demandait en moins de 10 mois : le premier album avait été enregistré en mai 1968 et le second en septembre de la même année. Nick Simper déclara plus tard: « Recording was always a problem. We were always short of material, purely because of our schedule. The fact that we were always being chased by Tetragrammaton for material, we never had the luxury like most bands do now of saying, ‘hang on fellas, we need a little bit of down time to just think about stuff and try and be creative.' » (L’enregistrement était toujours un problème. Nous étions toujours à court de matériel simplement à cause de notre planning. Tetragrammaton était toujours à nous tanner pour de nouvelles chansons. Nous n’avions pas le luxe, comme la plupart des groupes d’aujourd’hui, de dire « écoutez les gars, il nous faut un peu de temps libre pour pouvoir commencer à réflechir à de nouvelles composition et être créatifs ».) Une opinion totalement confirmée par Blackmore : « That really bugs me…going to the studio, ‘right, you gotta turn out an LP, boys.’ You know, ‘here we go, you gotta write a song…today.’ It’s just ridiculous. » (Ça m’énervait vraiment les séances de studio… « Allez les gars, maintenant vous nous faites un album. C’est parti, vous avez la journée pour écrire une chanson ». C’est tout bonnement ridicule.)
Quand Tetragrammaton commença à battre de l’aile, le groupe perdit le peu de soutien qu’il avait, cessa d’être remboursé de ses frais de tournée et se retrouva endetté, d’autant qu’en Angleterre, leur manager ne leur trouvait que des petites salles où ils gagnaient 150 livres par concert, contre 2500 dans les grandes salles des Etats-Unis. Jon Lord avait même déclaré à ce propos : « Purple won’t starve for an ideal » (Purple ne crèvera pas de faim pour un idéal).
La seconde raison de l’éclatement de Deep Purple à la fin de l’année 1969 est l’échec commercial du troisième album. Celui-ci, en dépit de ses qualités, n’était plus dans l’air du temps qui, en cette époque de furie créatrice, évoluait à toute vitesse. Led Zepplin venait de sortir son premier album. Clapton venait de former le premier « supergroupe » de l’histoire du rock avec l’autre membre de « Cream » Ginger Baker et le leader du groupe « Traffic » Steve Winwood. Le rock se faisait de plus en plus lourd et violent. La vague psychédélique refluait. Il était temps d’évoluer vers une nouvelle musique. C’était en tout cas ce que souhaitaient Blackmore, Paice et Lord, contre l’avis d’Evans et de Simper.
Commençant à sentir la faim leur tordre le ventre et se sentant pousés à la porte par les trois autres, ces deux derniers quittèrent le navire durant l’été 1969, alors qu’en secret le triumvirat avait déjà engagé depuis un mois un nouveau bassiste et un nouveau chanteur, plus aptes à jouer et chanter du hard rock. Ils avaient même enregistré en loucedé un morceau pour un nouveau single, « Hallelujah » (composition de Roger Greenaway et Roger Cook) qui sortit le 25 juillet 1969 mais qui, bizarrement, sonnait musicalement comme du Deep Purple Mark I (à part la voix, bien sûr, qui était celle de Ian Gillan).

La fin de la période Mark I est si confuse que ce 45 tours comprend une chanson enregistrée par le Mark II (Hallelujah) avec la version courte de April en face B et une photo du Mark I en couverture. Curiseusement, Simper et Evans, à droite sur la photo, semblent poussés vers la sortie par les trois autres, un peu en retrait comme des comploteurs (mais c’est une interprétation personnelle).

Ainsi s’acheva la triste mais édifiante histoire du Deep Purple Mark I, aujourd’hui injustement oublié mais qui, je l’espère, attirera de nouveau l’attention et l’intérêt grâce à cette chronique.

Dans une prochaine chronique, Papa Ace Bootlegs vous entretiendra de la suite des aventures de Deep Purple, et notamment de sa période bourrin… pardon, de sa période Mark II.

12 Commentaires

  1. Aficionado0613

    Hier justement, j’ai écouté l’album qui contient le morceau « April », je le trouve très bon cet album ! Très peu de titres de cet album ont été joués en >Live, dommage…

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    1. ace (Auteur de l'article)

      Aucune, à ma connaissance.

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      1. iveliosdu12

        J’ai fait quelques recherches : The Painter aurait été joué 2 fois en concert : le 14 janvier et le 11 février 1969, et la 2ème fois avec Bird Has Flow (source setlist.fm)

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        1. ace (Auteur de l'article)

          Prochain défi : trouver un bootleg où figurent ces interprétations !

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          1. iveliosdu12

            Ça ça risque d’être plus dur malheureusement …

  2. Jeff

    Perso Deep Purple Mark II c’est top jusqu’a Made In Japan après je trouve que c’est moins bon
    Par ailleurs je trouve que la venue de Joe Satriani en 93/94 sur la tournée au Japon puis en Europe donne un petit quelque chose comment dire … rafraîchissant.
    Quand Joe interprète ses propres compos en plein concert de Deep Purple je trouve ça excellent, bon il est vrai que j’aime bien aussi Satriani, mais ça vaut pas Mark II 1 ère période

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    1. ace (Auteur de l'article)

      Je suis d’accord, Deep Purple in Rock et Machine Head sont les deux meilleurs albums du Mark II. Who Do we think we are est nettement en dessous. Quant aux trois albums des années 1974-1975, il y a de bonnes chansons dessus mais l’empreinte de David Coverdale est tellement forte qu’on dirait déjà des albums de Whitesnake. Par contre, j’aime beaucoup les deux premiers albums de la reformation de 1984 : Perfect Strangers et House of blue light. La suite est beaucoup plus inégale. Concernant les guitaristes, Steve Morse est aussi intéressant, dans un style plus technique et plus heavy que Blackmore.

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  3. Derek

    Il existe sur YouTube une vidéo (de très mauvaise qualité) d’un concert de 1968 avec le Mark I à Inglewood en première partie de Cream. Anecdotique mais historique. La version audio, me semble-t-il, a été éditée officiellement par DPAS.

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    1. ace (Auteur de l'article)

      Oui, le bootleg du concert d’Ingelwood est ici : http://ace-bootlegs.com/deep-purple-inglewood-10-18-68/
      et pour ceux qui veulent écouter la version officielle sortie écemment, c’est ici (jusqu’au 22 mai) : http://ovh.to/bLpkH2

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  4. Jeff

    Je sais pas pour vous
    Mais quand Deep Purple interprète les morceaux sans Gillan déjà 1 j’aime pas … trop (pour être sympa) et surtout 2 j’ai vraiment pas l’impressions d’ecouter du Deep Purple
    C’est trop bizarre je sais
    Par contre je peux apprécier les reprises
    Comme par exemple Highway Star par Chikenfoot le groupe entre autres de Satriani
    Et tout ça pour dire que je ne connais pas et je ne sais pas s’il existe une meilleure version de Highway Star que celle qui figure sur Made In Japan

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  5. kilchoman

    Un grand merci en tout cas Ace pour toutes ces infos à propos de Deep Purple. Ca fait du bien d’approfondir un peu nos connaissances !

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  6. iveliosdu12

    Un grand merci pour cette découverte : moi qui écoute pas mal Deep Purple (même quelque bootleg de l’oubliable Mark V) je ne m’étais jamais intéressé à la Mark I, et en effet il y a pas mal de petites pépites.
    Merci pour la découverte (et pour avoir repris tes critiques qui sont de très grande facture ! )

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