LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE (2)

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2/ L’IMPLICATION TOTALE DES SOCIÉTÉS DANS LA GUERRE

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a) Une guerre totale

La Première Guerre mondiale a été qualifiée de guerre totale pour plusieurs raisons :

– D’abord, la totalité des moyens des principaux pays belligérants a été mise en œuvre pour remporter la victoire. Pas seulement les moyens militaires, mais aussi les moyens humains, politiques, économiques ou technologiques.

– De plus, la guerre a eu, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une ampleur réellement mondiale par la multitude des pays impliqués et l’extension du théâtre des opérations.

– Enfin, la guerre est rapidement devenue une guerre d’écrasement de l’adversaire qui dépassait largement les simples conquêtes territoriales. Il s’agissait de pousser l’adversaire à une capitulation sans condition.

Quelques survivants du 66ème régiment d’infanterie exhibent leur bannière déchiquetée en 1917

  • Une guerre d’ampleur mondiale

Du fait des alliances et dépendances, le monde entier s’est retrouvé impliqué dans la guerre (bien que le nombre de pays ayant fourni des troupes se limite à 23). Même les colonies d’Afrique ont connu des combats. De nombreuses troupes venues des colonies ont également combattu en Europe : la France a mobilisé 475.000 hommes originaires de son empire colonial (sans compter ceux qui ont été mobilisés pour travailler dans les usines ou dans les champs à la place des Français partis à la guerre). Le Royaume Uni, quant à lui, a abondamment puisé dans son réservoir indien : 800.000 Indiens ont ainsi combattu durant la guerre, dont 75.000 sont morts. Le taux de mortalité des troupes coloniales, dans l’ensemble, a été identique à celui des troupes métropolitaines (16%).

Parmi les 475.000 hommes de troupes coloniales françaises, on comptait 176.000 Algériens, 136.000 Sénégalais, 50.000 Tunisiens, 42.000 Indochinois, etc.

Tirailleurs sénégalais dans les tranchées de Verdun en 1916

Un soldat des troupes coloniales indiennes

 

Des combats ont eu lieu sur mer et jusqu’au Moyen Orient, pour le contrôle des sources d’approvisionnement. Il y en a également eu en Chine : le Japon, allié à la France et au Royaume Uni, a attaqué certaines colonies allemandes de Chine. Même les continent africain a été le théâtre de batailles au cours de la guerre car les Alliés ont attaqué les colonies allemandes (voir carte ci-dessous).

Au total, 70 millions de soldats ont combattu durant la guerre. Douze millions ont été mobilisé dès 1914. On a ensuite mobilisé les générations suivantes dès qu’elles atteignaient l’âge requis. Ainsi, en France, en 1914 est partie au combat la « classe 1884 », c’est-à-dire ceux qui étaient nés en 1884 (et qui ont eu 20 ans en 1914). En 1915 c’était au tour de la classe 1885 et ainsi de suite. A tous ces combattants se sont ajoutés ceux des pays qui sont entrés en guerre plus tard, comme l’Italie, la Bulgarie, les États-Unis, etc. Il y avait donc encore plus de soldats sous les armes en 1918 qu’en 1914, et ce malgré le nombre effroyable de morts. Par exemple, la France alignait 4 millions d’hommes en 1914 ; 5 millions en 1918.

  • Des gouvernements de guerre

Le fonctionnement normal du gouvernement a vite été suspendu dans tous les pays en guerre. C’est surtout dans les démocratie que la différence a été perceptible car de nombreuses libertés ont été supprimées (à commencer par la liberté d’expression) et toute la société a vécu dans une atmosphère militarisée.

En France ou en Allemagne, dès le début de la guerre les partis politiques se mettent tous d’accord pour suspendre leurs rivalités et faire une trêve jusqu’à la fin du conflit. En France, cette trêve est appelée l’Union sacrée. Seuls les socialistes refusent au début d’y participer. Jusqu’au jour du déclenchement du conflit ils ont tenté d’empêcher la guerre en demandant aux ouvriers de ne pas répondre à la convocation militaire, lors de la mobilisation générale. Ils croyaient que si suffisamment de gens refusaient de partir à la guerre, celle-ci ne pourrait pas avoir lieu. Mais le 31 juillet 1914, trois jours avant l’entrée en guerre, le dirigeant socialiste Jean Jaurès est assassiné par un nationaliste fanatique. Le dirigeant de la CGT, Léon Jouhaux, de son côté, appelle les ouvriers à défendre la patrie. Les socialistes, quant à eux, restent divisés sur cette question. Certains refusent de soutenir l’Union Sacrée. Après la guerre ils quitteront la SFIO pour former le Parti Communiste français.

L’Union Sacrée

Dès les premiers jours du conflit des lois spéciales sont votées, notamment concernant la censure. Celle-ci frappe particulièrement le courrier que les poilus envoient à leurs proches. Sont censurées toutes les lettres qui révèlent des informations stratégiques (lieu des batailles, nombre de soldats engagés, type d’armes utilisées) ou celles qui pourraient miner le moral de la population (importance des pertes, désastre de certaines stratégies, etc.). Ils n’ont même pas le droit de mentionner le lieu où ils se trouvent, ce qui fait que leur famille ignore où sont leurs proches. De même, les journaux n’ont pas le droit de donner des détails sur le déroulement du conflit, à part des informations très générales. Voici par exemple les consignes édictées par le Ministère de la guerre dès le 5 août 1914 (consignes qui s’appliquent surtout à la presse et aux professionnels de l’édition) :

« Interdiction de critiquer les officiers, de parler des formations nouvelles, de reproduire des articles parus dans les journaux étrangers.

Les avis de décès ne doivent pas indiquer le lieu où le défunt est tombé.

Interdiction de publier des articles concernant l’expérience ou la mise en service d’engins nouveaux, [d’éditer] des cartes postales ou illustrations reproduisant des canons ou des engins de guerre nouveaux […] dans un paysage pouvant faire découvrir le lieu de l’emploi [de ces engins].

Surveiller tout ce qui pourrait sembler une propagande pour la paix.

Interdiction de publier cartes postales […] de nature à avoir une fâcheuse influence sur l’esprit de l’armée ou de la population

  • Propagande et censure

Les journaux qui bravent ces interdictions (ils sont peu nombreux) subissent la censure, comme le Canard enchaîné. Tout journal doit envoyer sa maquette au bureau de censure avant impression. Le bureau de censure indique les passages à supprimer. Le journal n’a pas toujours le temps de trouver d’autres articles ou d’autres images pour combler les vides. 

Le Canard enchaîné du 6 septembre 1916 avec un article et un dessin censuré.

 

Le Canard enchaîné a été créé en pleine guerre. Son premier numéro, daté du 10 septembre 1915, annonçait que, contrairement aux autres journaux, il ne publierait que des nouvelles rigoureusement fausses. C’était de l’ironie car tous les autres journaux publiaient des articles de propagande donnant une vision complètement ridicule de la guerre (tout en prétendant dire la vérité). Le Canard enchaîné, lui, en prétendant donner des informations fausses et en disant le contraire de ce que disaient les autres, révélait en fait la vérité, ou du moins il tentait de le faire. Voici un exemple de ces articles de propagande qui remplissaient les journaux et que l’ont appelait par dérision le « bourrage de crâne » :

« L’inefficacité des projectiles ennemis est l’objet de tous les commentaires. Les shrapnells éclatent mollement et tombent en pluie inoffensive. Quant aux balles allemandes, elles ne sont pas dangereuses : elles traversent les chairs de part en part sans faire aucune déchirure. »

Témoignage d’un prétendu soldat dans le journal « L’Intransigeant » le 17 août 1914.

Il est à noter que cinq jours plus tard, le 22 août, l’armée française aura 27.000 tués en une seule journée, ce qui est le bilan le plus meurtrier de toute l’histoire militaire en France. On n’ose pas imaginer quel aurait été le bilan si les balles allemandes avaient été vraiment dangereuses!

Le gouvernement encourage la propagande de la part des journaux et il organise même une propagande d’État. Par exemple, les exercices scolaires sont modifiés de manière à y incorporer des discours de propagande. Voici un exercice de mathématiques datant de la guerre :

« [Un] instituteur allemand, a noté le nombre de punitions qu’il a infligées à ses élèves en cinquante ans : 911.527 coups de bâton, 1240.010 coups de verge, 20.989 coups de règle. […] Combien a-t-il distribué de punitions ? »

Exercice de mathématique tiré d’un manuel français de CP, 1915

Une carte postale de propagande qui vise les enfants. Le terme « poilu » désignait les soldats français et il signifiait « viril ».

 

Dans l’ensemble, la propagande à pour but d’obtenir que les populations, sur le front comme à l’arrière, soient entièrement tendues vers l’effort de guerre et acceptent les sacrifices nécessaires à la victoire. Les causes du combat sont systématiquement rappelées et justifiées, comme dans l’image ci-dessus où le décor d’arrière plan montre un village français détruit par les Allemands. L’objectif est aussi de caricaturer l’adversaire, généralement montré comme un sauvage, un monstre ou un incapable.

Affiche étasunienne de 1917 dessinée par Harry Ryle Hopps. Le slogan appelle à « détruire la brute sauvage » et à s’enrôler dans l’armée (« Enlist »). Le casque à pointe permet d’identifier les Allemands. La moustache du singe est celle de l’Empereur Guillaume II. Le jeune fille est une allusion aux rumeurs sur les très nombreux viols que les Allemands auraient perpétrés en Belgique. Le mot « Kultur », sur le gourdin, tourne en dérision la prétention des Allemands qui, à l’époque, se présentaient comme le peuple le plus civilisé du monde.

 

  • Des économies de guerre

Pour assurer le financement du conflit, fournir l’armée en armes, munitions, uniformes et nourriture et pour assurer les besoins vitaux des civils toute l’économie est réorganisée.

Rapidement, le financement de la guerre devient un élément problématique car le conflit se transforme en guerre d’usure. Aucun des pays impliqués n’avait prévu de devoir financer une guerre s’étendant sur plusieurs années. Dès le début de l’année 1915 les finances sont à sec, d’autant qu’une grande partie des travailleurs sont au front et ne payent plus d’impôt.

Pour compenser ce manque à gagner, tous les gouvernements ont recours à des emprunts. La France en émet quatre au cours de la guerre : en novembre 1915, octobre 1916, novembre 1917 et octobre 1918.

Voici l’une des affiches (il en existait plusieurs) appelant les Français à souscrire au premier emprunt national. L’État garantissait que les souscripteurs seraient remboursés après la guerre avec des intérêts. Mais il était évident que l’État ne pourrait rembourser qu’en cas de victoire.

 

Sur cette affiche du quatrième emprunt national, la fin de la guerre semble se dessiner, comme le montre le slogan. On voit apparaître les premiers chars d’assaut.

 

Les Allemands aussi empruntent pour financer la guerre (ici une affiche de l’emprunt allemand de 1917). On voit que l’affiche s’adresse à toutes les catégories de la population, du bourgeois à l’artisan en passant par les enfants qui ont cassé leur tirelire pour donner toutes leurs économies.

 

Enfin, une intéressante affiche pour un emprunt russe qui montre une femme travaillant dans une usine à la place des hommes partis à la guerre. Le slogan dit : « Tous pour la guerre » « Emprunt à 5,5% ». C’est-à-dire que celui qui prête 100 roubles à l’État percevra 5,5% de d’intérêt par an. En réalité, à cause de la Révolution russe de 1917 les souscripteurs ne furent jamais remboursés.

 

Le financement du conflit va de pair avec des tentatives d’empêcher le financement de l’adversaire. Ainsi, pour que l’Allemagne ne puisse plus vendre ses marchandises ni acheter les matières premières qui lui manquent, les Alliés tentent de prendre le contrôle des mers. L’Allemagne, pénalisé par sa situation continentale (elle n’a un débouché maritime que sur la Mer du Nord), pratique une guerre sous-marine intensive pour couler tous les navires qui ravitaillent les Alliés. Ces derniers tentent de réaliser un blocus pour isoler l’Allemagne.

Après le financement, l’autre problème des pays en guerre est le manque de main d’œuvre. La proportion des hommes partis à la guerre est si grande qu’on manque de bras dans les usines et, surtout, dans les campagnes. La propagande essaye d’inciter les vieillards à se remettre au travaille, les enfants à aider leur mère. Mais on manque aussi de chevaux et de vaches, car ils ont été réquisitionnés pour l’armée.

Des femmes tirent la charrue à la place des chevaux.

 

Le 2 août 1914, alors que la guerre n’est même pas encore déclarée (mais que la mobilisation générale a été décidée car le conflit paraît désormais inévitable), René Viviani (président du Conseil des ministres), lance un appel aux femmes pour qu’elles remplacent « sur le champ du travail ceux qui sont sur les champs de bataille » :

« A l’appel de la Patrie, vos frères, vos fils et vos maris se sont levés et demain ils auront relevé le défi. Le départ pour l’armée de tous ceux qui peuvent porter les armes laisse les travaux des champs interrompus. […] Au nom du gouvernement de la République […], je fais appel à votre vaillance […]. Je vous demande de maintenir l’activité des campagnes, de terminer les récoltes de l’année et de préparer celles de l’année prochaine. Vous ne pouvez pas rendre à la Patrie un plus grand service. […] Debout, donc, Femmes françaises, jeunes enfants filles et fils de la Patrie ! Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur les champs de bataille. Préparez-vous à leur montrer demain la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés ! »

Les femmes sont les principales remplaçantes utilisées mais on fait aussi appel à des travailleurs immigrés, dont une partie sont issus des colonies : 50.000 indochinois et 55.000 malgaches viennent travailler en France pendant la guerre. L’ensemble des travailleurs civils qui produisent pour le front sont appelés le « front de l’arrière ». Pour combler le manque d’ouvriers et d’agriculteurs, la France recrute des immigrés (Espagnols, Portugais, Italiens, Grecs) et des coloniaux (49.000 Indochinois, 55.000 Malgaches, etc.).

Une usine d’armement en France vers 1915. Au premier plan un ouvrier chinois. Derrière à gauche une femme. Une partie des ouvriers français avaient été dispensés de partir à la guerre car ils étaient considérés comme indispensables à l’effort de guerre (généralement c’était des ouvriers qualifiés). On en voit quelques uns ici. On distingue aussi des ouvriers de plus de 40 ans, âge au delà duquel on était dispensé de partir au combat.

Vidéo sur les économies de guerre :

Il faut aussi réorienter la production civile vers une production militaire. Ainsi, les usines de voitures se mettent à construire des chars ou des avions de guerre . Les usines métallurgiques se lancent dans la production d’obus. Les usines Renault arrêtent presque complètement de construire des automobiles pour se mettre à fabriquer des engins militaires.

Le tableau ci-dessus montre aussi que le nombre d’employés de Renault a presque quadruplé et que le chiffre d’affaires a été multiplié par presque cinq. La guerre a été une bonne affaire pour certaines entreprises, qui se sont beaucoup enrichies en vendant du matériel militaire à l’État. Certains hommes d’affaire seront plus tard beaucoup critiqués pour avoir bénéficié de la durée du conflit et seront qualifiés de « profiteurs de guerre ».

Les scandales ont d’ailleurs été nombreux, comme par exemple celui d’une entreprise qui avait vendu des centaines de milliers de cercueils trop petits pour contenir les corps des soldats tués (ce qui lui permettait de faire des économies sur la quantité de bois). Il fallait briser les membres des morts pour les faire tenir dans les cercueils.

L’usine de camions Bréguet se lance dans la fabrication d’avions de guerre, permettant à la France de disposer de l’aviation la plus performante de la guerre.

 

Une guerre industrielle et technologique

Non seulement le potentiel industriel est mis au service de la guerre, mais on demande aussi aux scientifiques et aux techniciens de développer de nouvelles armes.

Vidéo sur les nouvelles technologies de destruction mises au point pendant la guerre :

– Dès la fin de l’année 1914, les allemands mettent au point des gaz de combat, dont l’utilisation va se généraliser. L’arsenal comporte une vaste gamme de composés toxiques allant du gaz lacrymogène relativement bénin aux mortels phosgène et bertholite en passant par le gaz moutarde (ou ypérite). Au total ils provoquèrent près de 100.000 morts et plus de 1,2 millions de blessés (dont beaucoup subissant des séquelles à vie : perte de la vue ou graves atteintes du système respiratoire).

Les avions sont utilisés dès le début de la guerre, mais ils servent alors surtout à espionner l’adversaire (on utilise d’ailleurs aussi des ballons stationnaires ou des ballons dirigeables pour voir où se trouvent les armées adverses et comment elles sont organisées). Des combats aériens peuvent survenir lorsque deux avions ennemis se croisent mais les avions ne sont pas équipés d’armement. Les pilotes peuvent aussi jeter des grenades ou des petites bombes, mais il faut attendre la deuxième moitié de la guerre pour voir apparaître des avions équipés de mitrailleuses (le premier est celui mis au point par Roland Garros). Par contre, les avions bombardiers ne seront pas mis au point avant les tous derniers mois du conflit.

– En septembre 1916, les premiers chars d’assaut font leur apparition lors de la bataille de la Somme (les modèles « Mark 1 »). Mis au point par les anglais, ils sont trop lents, trop peu maniables et leurs chenilles sont trop fragiles ce qui fait qu’on cesse de les utiliser. Ce n’est qu’à partir de l’hiver 1917-1918 que des chars d’assaut français, beaucoup plus efficaces commence à s’imposer.

Des canons de plus en plus puissants sont mis au point, jusqu’à la « Grosse Bertha » (dont le vrai nom allemand était « Pariser Kanonen »), capable d’envoyer à 120 km de distance des obus de 400 kg. 

Le « Pariser Kanonen », ainsi nommé car il pouvait frapper Paris à 120 kilomètres de distance.A peine quelques milliers d’obus furent tirés (tuant à peine une centaine de personnes mais faisant régner la terreur sur la ville).

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b) La vie quotidienne à l’arrière

La guerre vue et vécue depuis l’arrière (vidéo – 4ème partie à partir de la 11ème mn)

L’expérience vécue par les combattants n’atteint les populations de l’arrière que sous une forme très atténuée car la censure ne permet pas aux civils de se faire une idée exacte de la violence des combats, ou de la mortalité du conflit. Peu à peu, les listes interminables de mort, les récits des soldats permissionnaires et le caractère très grossier de la propagande ne peuvent plus masquer la réalité des faits : c’est une véritable hécatombe qui est en train de se produire. Cela renforce la crainte des familles à l’égard de leurs proches qui sont sur le front.

Les Allemands chargent leurs prisonniers anglais de fouiller les cadavres pour y récupérer tabac, munitions et objets personnels. Ces derniers seront restitués aux familles à condition qu’on puisse identifier le mort. C’était normalement possible grâce aux documents militaires que chaque soldat devait garder sur lui, mais beaucoup de cadavres déchiquetés n’étaient plus identifiables.

 

Souvent, les familles qui apprennent la mort d’un de leurs proches, au lieu d’être dégoûtés de la guerre, deviennent encore plus enragées et réclament vengeance. Cette pression de l’opinion publique va contribuer à empêcher les gouvernement de trouver un compromis. Aucun gouvernement ne veut prendre le risque de donner l’impression qu’il oublie le sacrifice de sa population et qu’il est prêt à accepter de le laisser impuni.

Les régions traversées par les combats ou situées à proximité connaissent des destructions, des bombardements et l’impossibilité d’exploiter des terres agricoles dévastées et truffées d’obus non explosés.

Paysage dévasté des Flandres après les grandes batailles de 1917. Des milliers d’hectares de terrains dans le Nord et l’Est de la France sont encore aujourd’hui clôturés et interdits d’accès en raison des risques causés par les très nombreuses munitions non explosées.

 

Près d’une quarantaine de villages furent tellement détruits qu’ils n’ont jamais été reconstruits ensuite, comme celui de Cumières, dans la Meuse (photo ci-dessus) qui avait 205 habitants avant la guerre. Il ne restait plus que trois habitants en 1921. Après leur mort le village fut complètement abandonné.

Dans les régions occupées, comme la Belgique, les populations sont soumises à la réquisition des hommes pour le travail forcé. Voici par exemple une ordonnance allemande promulguée à Lille le 11 avril 1917 :

« Une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 3 ans et une amende pouvant atteindre 10.000 marks, ou l’une de ces deux peines, […] sera infligée à toute personne civile refusant le travail […] imposé suivant des lois et ordonnance en vigueur; toute personne ne respectant pas […] les dates et délais de fabrication ou de livraison pris vis-à-vis d’une autorité militaire ou civile allemande […1. Sera puni de travaux forcés quiconque excitera par des discours aux actes désignés [précédemment]. La peine de mort pourra être appliquée lorsque l’acte entraînera un grave préjudice intéressant l’autorité militaire. »

Les Allemands expulsent aussi des populations entières des secteurs militairement stratégiques. Par exemple, 22.000 Lillois sont chassés de chez eux et déportés dans les départements voisins. Beaucoup d’habitants de Belgique ou du Nord de la France ont fui devant les Allemands par peur des violences.

Des civils belges fuyant l’avancée allemande en août 1914

Les viols des femmes, sans être systématiques, sont fréquents, de même que les exécutions sommaires au moindre soupçon.

Vidéo sur l’exode des population fuyant les combats et sur la hantise des viols de guerre:

D’épouvantables rumeurs circulent sur les pratiques barbares de l’ennemi. Elles sont très exagérées mais pas complètement dénuées de fondement. Les soldats sont fréquemment dans état proche de l’ébriété car les état-majors leur fournissent une grande quantité quotidienne d’alcool (environ 1 litre de vin par soldat et par jour en France). L’alcoolisation est un moyen efficace de leur faire oublier leur peur et de leur faire perdre leurs inhibitions.

A partir de 1917, les progrès de l’artillerie permettent aux Allemands de tirer des obus à plus de 100 kilomètres de distance, ce qui fait régner la psychose dans les grandes villes. Les bombardements sur Paris se sont poursuivis durant 44 jours. 183 obus sont tombés sur Paris, tuant 250 personnes. Ce très faible rapport coût/efficacité a vite convaincu les Allemands d’abandonner cette tactique. Londres aussi a été bombardée, mais par des avions et des ballons dirigeables.

Maison du Quai de Jemappes (Xème arrondissement) détruite par un obus longue portée le 23 mars 1918

Les monuments, eux, sont protégés à l’aide de sacs de sable, comme ici la statue de la République sur la Place de la Nation. Les crocodiles ont disparu plus tard, lors de la Seconde Guerre mondiale, fondus pour être transformés en canons.

 

Plus que la peur des violences, qui a essentiellement concerné les villes et villages situées en zone de combat, les populations civiles ont surtout vu leur quotidien transformé par la guerre :

– Les conditions de vie se dégradent au fur et à mesure que l’économie du pays est entièrement réorientée vers la guerre. Les civils connaissent la pénurie. Celle-ci est particulièrement forte en Allemagne à cause du blocus mené par la marine britannique. En France, ce sont les régions du Nord et de l’Est qui sont les plus touchées car les Allemands ont emporté le bétail et les réserves des paysans et que les moissons n’ont pas pu être terminées avant le début des combats. Quelques témoignages :

La réquisition des matelas à Lille en 1916

La pénurie de pain commence alors que les Allemands approchent du département du Nord, au début de 1915 :

– 5 janvier 1915. Rien de particulier sauf le canon. Le pain, même très mauvais, se fait de plus en plus rare ! (…)
– Dimanche 10. Le pain est très rare et très indigeste, il peut, paraît-il, nous amener des épidémies. Six boulangeries sont fermées ici ! Il faut faire la queue et même se battre pour en avoir. (…)
– Mardi 26. On essaye de faire du pain avec de la farine et des pommes de terre. (…)
– 6 février. Le pain que l’on peut se procurer est détestable. On retrouve dans la bouche des quantités de balle d’avoine, du plâtre et d’autre matières étrangères.
Journal de Maria Degrutère, institutrice dans une école catholique de La Madeleine, 1915.

A Roubaix, la situation devient dramatique à partir de 1916 :

La mortalité est grande ; en temps ordinaire deux fossoyeurs suffisent à Roubaix, il y en a maintenant six. (…) Les vivres se font de plus en plus chères. On me rétrécit un pantalon de 54 à 46 cm. Les gens sont plus faibles par manque de nourriture. (…) Ayant sorti de notre alimentation sucre, lait, viande, pâtes, oeufs, vin, il n’est pas étonnant qu’on maigrisse.
Journal de David Hirsch, commerçant à Roubaix. Extraits de mars, juin 1916 et novembre 1917.

Textes cités par A. Becker, Oubliés de la Grande Guerre, Noésis éditions, 1998.

A Lille, les Allemands vont jusqu’à réquisitionner le bois, les métaux (y compris les cloches des églises) les chiens (pour les mangers), et les matelas, dont la laine est récupérée et envoyée en Allemagne pour fabriquer des uniformes militaires. Les habitants de la région ont obligation d’afficher sur leur porte la liste de tout ce qu’ils possèdent.

 

 

Le manque de main d’œuvre amène les femmes à occuper des emplois jusque là réservés aux hommes, en particulier dans l’enseignement, les transports publics, l’agriculture ou l’industrie. Après la guerre, la plupart du temps les hommes reprendront leur place, sauf dans quelques secteurs ou la mortalité a décimé les travailleurs.

Conductrice de tramway et contrôleuse pendant la guerre. Deux métiers autrefois exclusivement masculins.

 

 

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3/ LE BILAN DE LA GUERRE, LES DIFFICULTÉS DU RÈGLEMENT DE LA PAIX ET LES TROUBLES DE L’APRÈS-GUERRE

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a) Le bilan de la guerre

Vidéo sur le bilan de la guerre :

Le bilan humain de la guerre est de 10 millions de morts. Les pays les plus touchés sont la Russie, l’Allemagne, la France et l’Autriche-Hongrie. Si l’Allemagne est le pays qui compte le plus de morts (2.040.000 morts), c’est la France qui subit le pourcentage le plus élevé de morts (18% de ses soldats ont été tués, soit 1.450.000, contre 15% pour l’Allemagne ou 11% pour le Royaume Uni).

A ces morts s’ajoutent les civils tués dans les bombardement ou morts des conséquences de la malnutrition. Leur total est estimé à presque 9 millions, ce qui fait de cette guerre un conflit qui a presque autant tué de militaires que de civils. Les habitants de l’Empire Ottoman ont été les plus durement touchés : 4,2 millions de civils sont morts (dont 1,5 millions d’Arméniens tués lors du génocide). L’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, l’Italie, la Roumanie ou la Serbie ont eu chacune environ un demi million de civils tués au cours de la guerre.

  • Le génocide des Arméniens

Le génocide s’est produit entre avril 1915 et juillet 1916. Les Arméniens ont été pris pour cible par le gouvernement turc parce qu’ils constituaient une minorité nombreuse, très soudée et très influente (et souvent assez aisée) au sein de l’Empire Ottoman et que celui-ci venait d’essuyer de graves revers militaires. Les officiers ont alors fait courir le bruit que les troupes turques avaient été trahies par les Arméniens qui avaient pris le parti des Alliés dans l’espoir d’une défait turque qui leur aurait permis de fonder une Arménie indépendante. Les élites arméniennes sont exécutées en quelques semaines. Le reste de la population est déportée dans des régions désertique où on laisse les gens mourir de faim et d’épuisement. Voici deux témoignages de survivant : 

«Au mois de juillet 1915, sur la route du village où nous travaillons, nous vîmes, un jour, un long convoi de nos pauvres compatriotes arméniens, conduits par des gendarmes. Ils étaient au moins 5000, pour la plupart des femmes, des vieillards et des enfants. […] Le lendemain, le massacre commença… […] Les lourdes haches turques faisaient voler les têtes des innocentes victimes, parfois le coup sec d’un sabre sur un crâne nous faisait frissonner d’horreur. […] partout le carnage, l’épouvantable poursuite, partout du sang, encore du sang… Plus loin, des enfants fuyant devant les bourreaux; ils sont vite rejoints; un coup sec, un cri d’agonie et… à un autre! Les cadavres s’amoncelaient par milliers, et après quatre heures de cette effroyable tuerie, le chef nous ordonna d’enterrer immédiatement les corps et de faire disparaître les traces de sang. »

Lettre d’un Arménien publiée en 1916 dans le Livre Bleu du gouvernement britannique concernant le traitement des Arméniens dans l’Empire ottoman, Payot, 1987.

« La déportation d’Erzindjan était déjà commencée et nous attendions […] l’ordre de déportation. La terreur était générale. Enfin, un matin, l’ordre vint […] Notre caravane comptait trois mille personnes. Après six jours de marche elle arriva à Daldaban-GumuchIcaneh ; au cours de ce voyage, les Turcs nous avaient pillés; arrivés à l’étape, les gendarmes et les policiers armés jusqu’aux dents nous attendaient Nous fûmes emprisonnés dans une écurie où les chefs des Tchétas [*] vinrent nous tourmenter par tous les moyens : les femmes furent fouillées et plusieurs violées. Le lendemain nous nous mîmes en route et […] affamés, en loques, nous arrivâmes à Erzingjan, où une scène horrible s’offrit à nos yeux : la terre était jonchée de têtes coupées, de membres humains épars, de chevelures de femmes… […] Pendant des journées entières, nous continuâmes notre marche en longeant l’Euphrate, dont les eaux lentement charriaient des cadavres humains. […] La rivière coulait tout près de nous mais malheur à celle qui se penchait pour étancher sa soif! La balle d’un gendarme la terrassait aussitôt»

Témoignages de Nvart Mahokian, épouse d’un commerçant arménien de Trébizonde, recueilli par la Société des Dames arméniennes, Paris, 1920.

Vidéo sur le génocide arménien :

Il faut également prendre en compte dans le bilan humain de la Guerre le très grand nombre de mutilés. Leur nombre dépasse les 21 millions (4,3 millions pour la France, autant pour l’Allemagne et presque 5 millions pour la Russie). Cela inclut ceux qui ont perdu un membre, ceux qui ont perdu la vue, les personnes défigurées (les « gueules cassées ») et ceux qui souffrent des séquelles des attaques au gaz.

Les pertes militaires

  • Un déséquilibre démographique profond

La grandes majorité de ces morts et mutilés de guerre étaient des hommes de 20 à 40 ans, ce qui a causé un creux démographique profond en Europe dans la mesure où très peu de ces hommes ont eu des enfants (certains en avaient eu juste avant de partir à la guerre ou en ont eu pendant les rares permissions, mais leur nombre est faible).

En France, 25% des hommes de la classe 1894 (ceux qui avaient 20 ans en 1914) sont morts. La paysannerie est la plus touchée. Un paysan sur cinq parti à la guerre a été tué. On peut mesurer cette hécatombe en observant les monuments aux morts des villages de France. Même les plus petits villages comptent généralement plusieurs dizaines de mort. La ville de Fouesnant, en Bretagne, environ 5.000 habitants à l’époque, a ainsi perdu 183 hommes au combat. Quasiment chacun famille a dû déplorer un mort.

Aux pertes causées par le conflit s’ajoutent les victimes de la Grippe espagnole, qui a fait de 20 à 50 millions de morts selon l’Institut Pasteur, et peut-être jusqu’à 100 millions selon certaines réévaluations récentes, soit 2,5 à 5 % de la population mondiale. Elle a éclaté au début de l’année 1918. Contrairement à ce que laisse croire son nom elle ne venait pas d’Espagne mais probablement des États-Unis. Le nom de Grippe espagnole lui a été donnée parce que ce sont les journaux espagnols (qui n’étaient pas étouffés par la censure) qui en ont parlé les premiers. La mortalité due à cette maladie déborde largement le cadre de la Première Guerre mondiale, mais la guerre a probablement contribué à rendre l’épidémie très virulente pour au moins deux raisons :

– Les populations des pays impliqués dans le conflit étaient souvent mal nourries à causes des pénuries, et donc beaucoup plus fragiles.

– Les mouvements de troupes incessants ont accéléré la diffusion de l’épidémie.

Vidéo sur la Grippe espagnole :

  • Le bilan matériel et économique

La guerre a eu aussi de lourdes conséquences économiques. Les plus visibles sont les destructions matérielles, qui ont particulièrement touché la France, la Belgique et la Russie. En France, 2000 ponts, 5.500 km de voies ferrées, 2 millions d’hectares de terres agricoles sont détruits ou rendus inutilisables, surtout dans les départements du Nord et de l’Est. De nombreuses villes ont été saccagées, comme Reims, dont même la cathédrale est partiellement en ruine.

Certaines conséquences économiques vont se révéler dans les années suivant le conflit : l’Europe doit près de 10 milliards de dollars aux États-Unis (dont 7 rien que pour la France et le Royaume Uni) et tous ces pays doivent rembourser les emprunts nationaux souscrits par leurs propres citoyens, ce qui se chiffre aussi en milliards.

La seule solution va être d’imprimer de la monnaie en grande quantité, ce qui va provoquer une forte inflation et va ruiner les rentiers (ceux qui vivaient des loyers de leurs immeubles ou de leurs terres ou bien des revenus de leurs actions, ou encore les retraités).. Bref, tous ceux qui avaient des revenus fixes). A cause de la dévaluation monétaire, la somme qu’ils perçoivent reste identique mais on ne peut presque plus rien acheter avec.

Vidéo sur le bilan matériel de la guerre :

  • Le traumatisme moral

Enfin, on peut évoquer le bilan moral de la guerre. Les horreurs de la guerre ont porté un rude coup au mythe du progrès de l’humanité. Une vague de nihilisme va balayer le monde philosophique et le monde des arts au cours des décennies suivantes. On assistera aussi à une accélération du recul de la pratique religieuse.

Sur le triptyque peint en 1932 par Otto Dix (un ancien combattant allemand de la guerre de 14-18), on peut observer une scène d’enfer (panneau de droite, ci-dessous), la mort omniprésente (panneau central et panneau inférieur, montrant même des cadavres de soldat dans un cercueil) et tout en haut, au centre, un squelette planté sur une sorte de rail tordu lançant un doigt accusateur. Il y a plusieurs interprétations possibles pour ce squelette mais on peut y voir une sorte de Christ brisé, allégorie d’un monde abandonné de Dieu.

Otto Dix – La Guerre (1929-1932)

Autre conséquence morale de la guerre : on assiste à la montée d’un fort courant pacifiste. Pour beaucoup de soldats, le summum de la barbarie a été atteint et il ne pourra plus jamais y avoir de nouvelle guerre. Ils croient que l’humanité a été vaccinée contre la guerre. Il donne à la Première Guerre mondiale le surnom de la « Der des ders » (la dernière des dernières). Communistes et socialistes militent pour la démilitarisation et l’union entre les peuples. Un premier projet d’alliance franco-allemande est même élaboré par le Ministre des affaires étrangères Aristide Briand et son homologue allemand, mais il ne verra jamais le jour à cause de la crise économique qui éclate en 1929.

Affiche des socialistes (SFIO) en 1928

Affiche de la Ligue internationale des combattants de la paix (environ 1930)

 

Cette volonté d’en finir avec le nationalisme et le militarisme se heurte à un sentiment opposé : celui de la haine contre l’adversaire, qui subsiste longtemps après la guerre. En France, beaucoup de ceux qui ont perdu un être cher au cours du conflit ont du mal à ne pas haïr les Allemands. Côté Allemand, la rancœur est d’autant plus forte que le pays a été humilié par les traités de paix. Un esprit revanchard se développe, attisé par l’extrême-droite.

Les monuments aux morts  commandés par les 40.000 communes de France, montrent dans leur immense majorité des images qui exaltent le sacrifice des hommes pour la nation et l’engagement militaire. Sur les 40.000 monuments aux morts de 1914-1918, mois d’une dizaine portent des inscriptions antimilitaristes.

Un monument aux morts nationaliste et militariste comme il en existe des milliers : celui de la ville de Cambrai.

Un monument aux morts antimilitariste comme il n’en existe qu’une poignée dans toute la France : celui d’Equeurdreville, en Normandie. Celui-ci et les autres monuments antimilitaristes ont connu des actes de vandalisme fréquents au moins jusqu’aux années 1950. Ils ont souvent été érigés dans des communes dont le maire était socialiste ou communiste.

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b) Les traités de paix et la tentative de mise en place de la SDN

  • Les traités de paix et les redécoupages frontaliers

Les vainqueurs de la guerre sont divisés sur la manière de traiter les vaincus. 27 Nations sont conviées à Versailles pour signer les traités de paix, mais quatre seulement ont vraiment participé à la rédaction de ces traités : les États-Unis (représentés par le Président Woodrow Wilson), le Royaume Uni (représenté par le Premier Ministre Lloyd George), la France (représentée par son Président du Conseil, Clemenceau) et l’Italie (représentée par son Président du Conseil, Orlando)

Le Royaume Uni veut ménager l’Allemagne. Il craint qu’une Allemagne rabaissée ne fasse de la France, de nouveau, une puissance menaçante en Europe. De plus, l’Allemagne est un client important de l’industrie britannique ; il ne faut donc pas trop l’appauvrir.

La France veut écraser l’Allemagne, jugée responsable du conflit et qui l’a envahie par deux fois depuis 1870.

Le Président Wilson soutient une position idéaliste et peu réaliste qu’il a exprimée dans un célèbre discours prononcé le 8 janvier 1918, le « Discours des 14 points ». Alors que la Guerre était encore loin d’être terminée, Wilson avait posé dans ce discours les bases de ce qui selon lui était indispensable à toute paix juste et durable. Un point concernait le désarmement. Un deuxième point concernait la liberté du commerce (Wilson pensait que des partenaires commerciaux n’ont aucune raison de se faire la guerre et que, donc, plus le commerce est libre dans le monde, moins il y a de conflit). Enfin, le dernier des 14 points concernait la création de la SDN. Mais le point essentiel était le redécoupage de l’Europe en tenant davantage compte des droits des peuples. : pour mettre fin aux conflits, il faut que chaque peuple dispose de son propre État. C’est une idée généreuse mais totalement inapplicable car les peuples sont très mélangés, en Europe. Par exemple, en Bosnie on trouve de nombreux Croates et Serbes. Inversement, des Bosniaques vivent en Serbie ou en Croatie. Créer des États ethniquement homogènes nécessiterait donc de déplacer de force des dizaines de millions de personnes.

– L’Italie se bat pour que la promesse franco-anglaise de lui accorder les territoires autrichiens peuplés d’Italiens soit tenue.

La Russie n’est conviée ni aux négociation de paix, ni à la signature des Traités car les Bolcheviques de Lénine viennent de prendre le pouvoir et ce gouvernement communiste est traité comme un pestiféré par tous les autres gouvernements du monde [*].

– L’Allemagne et les autres vaincus ne sont pas autorisés à négocier les traités.

Vidéo sur les divisions entre les vainqueurs et les Traités de paix :

La France réussit en grande partie à imposer ses conditions de paix :  l’Allemagne sera considérée comme seule responsable du déclenchement de la guerre et très sévèrement punie ; 50% des indemnités de guerre iront à la France. Quatre traités sont élaborés, un pour chacun des principaux vaincus :

– Le Traité de Saint-Germain-en-Laye, sept. 1919, prévoit le démembrement de l’Autriche-Hongrie, la démilitarise et lui interdit toute alliance future avec l’Allemagne. L’Autriche perd tous ses territoires non autrichiens et elle est réduite à une Autriche à peine plus grande que la Suisse.

– Le Traité de Sèvres, 10 août 1920, prévoit le démembrement de l’Empire Ottoman qui perd presque tous ses territoires non turcs.

– Le Traité du Trianon règle le cas de la Hongrie.

  • Le traité de Versailles

Le Traité de Versailles est le plus important des quatre. Il règle le cas de l’Allemagne. Il comporte de nombreuses clauses qui concernent les modifications territoriales, les réparations de guerre, l’occupation du pays ou sa démilitarisation :

Clauses territoriales : perte de l’Alsace-Lorraine, perte du Schleswig (donné au Danemark), perte de deux cantons occidentaux (donnés à la Belgique), perte de la Posnanie (donnée à la Pologne) ; confiscation des colonies ; en outre, le territoire allemand est désormais coupé en deux par le Corridor de Danzig (une bande de territoire donnée à la Pologne et lui permettant d’avoir un accès à la mer.)

– Clauses militaires : l’armée allemande est limitée à 100.000 hommes et privée de tout matériel lourd ; la rive gauche du Rhin subit une démilitarisation (et elle restera occupée pour 15 ans).

– Clauses économiques : perte des avoirs à l’étranger, des brevets internationaux et amende de 132 milliards de Marks-or [*].

Les principales clauses territoriales et militaires du Traité de Versailles

 

Sous l’influence du Président Wilson, la carte de l’Europe est profondément bouleversée. Même si son utopie de donner un État à chaque peuple n’est pas réalisable, les négociateurs essayent de créer des États plus cohérents et plus respectueux des populations :

– Les Slaves du Sud sont regroupés dans un nouvel État : la Yougoslavie, de même que les Slaves du Centre de l’Europe, regroupés dans la Tchécoslovaquie. Mais ces deux États sont en fait très peu homogènes du point de vue ethnique. La Yougoslavie compte au moins sept nationalités distinctes (dont des Catholiques, des Protestants, des Musulmans et des Orthodoxes, des gens utilisant l’alphabet latin, d’autres l’alphabet cyrillique…). Les zones frontalières de la Tchécoslovaquie sont peuplées de minorités diverses dont de nombreux Allemands, sans même tenir compte du fait que la langue Tchèque et la langue slovaque sont très différentes.

La Pologne est reconstituée mais avec des frontières différentes de celles qu’elle possédait cent ans plus tôt, ce qui fait que désormais, les régions de l’Ouest de la Pologne sont peuplées pour moitié de Polonais et pour moitié d’Allemands, dont beaucoup choisissent d’émigrer par peur d’être persécutés par le gouvernement Polonais. Ses régions orientales, elles, sont peuplées d’Ukrainiens ou de Biélorusses.La aussi de grands mouvements d’émigration se produisent. Au total, plus de dix millions d’Européens vont quitter leur pays d’origine à cause des redécoupages de frontières.

L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie sont créées sur les territoires que l’Allemagne avait arrachés à la Russie en 1918 et qui lui sont confisqués. Ces trois petits Etats, probablement les seuls qui présentent une véritable cohérence, vont avoir une existence assez brève puisque l’URSS les annexera vingt ans plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale [*].

– Au Moyen-Orient, les territoires qui composaient autrefois l’Empire Ottoman sont partagés entre la France (qui prend la Syrie et le Liban) et le Royaume Uni (qui prend l’Irak et la Palestine). Les Turques ne disposent plus que d’un pays quatre fois moins étendu que l’ancien empire : la Turquie.

  • Création et échec de la SDN

Pour garantir la paix et pour servir d’organe d’arbitrage des conflits internationaux, un organisme est créé : la Société des Nations (SDN). L’idée est émise par le Président des États-Unis W. Wilson dans le derniers des 14 points de son fameux discours.

Le Pacte qui fonde la SDN est inclut dans le Traité de Versailles, signé en juin 1919.

La SDN s’organise autour d’une Assemblée générale dont le siège est à Genève. Tout État adhérant à la SDN s’engage à respecter l’indépendance des autres États et leur intégrité territoriale. En cas de conflit, la SDN est considérée comme une instance d’arbitrage. Elle peut décider de sanctions militaires ou économiques contre un État agresseur. On peut donc considérer qu’elle est l’ancêtre de l’ONU, puisque son but est le même. Mais il y a une différence essentielle entre l’ONU et la SDN qui explique pourquoi celle-ci a échoué. La SDN ne disposait d’aucun moyen militaire pour faire respecter ses décisions (contrairement à l’ONU, qui dispose de forces d’interposition – les casques bleus – et qui peut organiser des forces d’intervention.

Mais l’échec de la SDN a une autre cause importante : dès sa fondation, elle est fragilisée par le refus du Congrès des États-Unis de ratifier le Traité de Versailles et d’adhérer à la SDN. En effet, Wilson n’est pas réélu en 1920. Les Républicains remportent les élections et opèrent un virage isolationniste dans la politique internationale du pays : pendant les deux décennies suivantes, les États-Unis vont se désintéresser presque totalement de ce qui se passe en Europe et ils ne veulent rien avoir à faire avec cet organisme qui risque de les entraîner dans une nouvelle intervention militaire. Ce revirement des États-Unis peut sembler étrange tant il contraste avec l’enthousiasme de la population au moment de l’entrée en guerre en 1917. Le retournement de l’opinion étasunienne a été causé par le nombre important de mort subi par le pays (120.000, ce qui est très peu par rapport à la France ou l’Allemagne, mais beaucoup plus que ce à quoi s’attendaient les Étasuniens) et, surtout, par le fait que le France et le Royaume Uni se déclarent dans l’incapacité de rembourser les énormes sommes d’argent prêtées par les États-Unis durant la guerre.

Malgré ses faiblesses, la SDN va avoir fort à faire au cours des années 20 et va parvenir à résoudre plusieurs des conflits occasionnés par la contestation des traités de paix et des nouvelles frontières.

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c) Des Traités contestés dans une Europe au bord de la révolution

  • Des traités contestés

Les redécoupages de frontières ont provoqué autant de mécontentements qu’ils ont satisfaits de revendications :

Plusieurs peuples n’ont pas obtenu d’Etat : les Kurdes, les Arméniens, les Juifs restent des peuples sans Etat, condamnés à vivre sous la domination d’autres Etats.

D’autres contestent le tracé des frontières : La Pologne conteste sa frontière avec la Russie. L’Italie revendique la souveraineté sur la ville de Fiume (aujourd’hui Rijeka, en Croatie) ; l’Allemagne conteste ses nouvelles frontières ; les Grecs et les Turcs sont également en désaccord, de même que les Bulgares et les Grecs.

La SDN arbitre avec succès le conflit entre la Grèce et la Bulgarie (1925). Elle amène la France et l’Allemagne à signer un Traité de réconciliation (Accords de Locarno, 1925), qui ouvre la voie à l’entrée de l’Allemagne dans la SDN (1926). Elle organise plusieurs plébiscites pour régler les différends territoriaux : les peuples des régions disputées pourront voter et choisir à quel État ils veulent appartenir. C’est par exemple ce qui se passe en Sarre (région frontalière proche du Luxembourg, convoitée par la France et l’Allemagne : les Sarrois choisissent de devenir Allemands. Les habitants de Fiume obtiennent le statut de ville internationale, de même que ceux de Dantzig (Gdansk en Polonais), ville peuplée à 50% de Polonais et à 50% d’Allemands.

En revanche, la SDN ne réussit pas à empêcher une guerre entre les Grecs et les Turcs (1919-1922), ni une guerre entre les Polonais et les Russes (1919-1921). Elle ne réussit pas non plus à créer le Kurdistan qui était initialement envisagé. Les Turcs s’y opposent par un coup de force. Le Kurdistan ne verra jamais le jour. La question des minorités kurdes en Turquie est encore aujourd’hui la cause d’une grande violence.

  • Une brutalisation de la vie politique

Une affiche d’un parti d’extrême-droite allemande en 1924 reprend la légende du « Coup de Poignard dans le dos ». Selon cette légende, alors que l’Allemagne était sur le point de remporter la Première Guerre mondiale, la tentative de révolution des communistes allemands aurait provoqué la défaite.

Une affiche communiste allemande de 1920 dans laquelle le poing du peuple vient détruire le Parlement bourgeois.

Les relations internationales des années d’après-guerre prennent souvent des formes violentes, de même que la vie politique dans certains pays où la démocratie n’est pas encore très solide, comme la jeune république allemande ou la monarchie constitutionnelle italienne. Les désaccords se règlent souvent par des coups de force, des actions armées, voire des guerres. On parle parfois d’un phénomène de brutalisation de la vie politique, qui aurait été causé par l’habitude des populations de vivre dans un climat d’extrême violence pendant les quatre années de la guerre. Le fait d’avoir côtoyé la mort de près pendant des mois et des mois dans les tranchées a pu aussi transformer la vision du monde de nombreux anciens combattants. De plus, de nombreuses armes restent en circulation, en particulier en Allemagne.

Des bandes d’anciens combattants désœuvrés se regroupent en milices, souvent animées d’une idéologie d’extrême droite, comme les « Corps Francs » en Allemagne ou les « Arditi » en Italie. Ils fondront bientôt le Parti fasciste et le Parti nazi.

Les fascistes italiens ont d’ailleurs pour slogan « Me ne frego » (je m’en fous) et les militants d’extrême-droite espagnols, qui vont déclencher une guerre civile en 1936, ont pour slogan : « Viva la Muerte » (vive la mort). Les nazis se considèrent comme des barbares qui vont rajeunir le monde en commençant par le détruire ; plusieurs dirigeants nazis s’illustrent par la citation suivante : « quand j’entends le mot culture je sors mon pistolet » [*].

Si l’extrême droite est menaçante en Italie, en Allemagne (et quelques années plus tard en Pologne, en Espagne, au Portugal, en Roumanie et même en France), au sortir de la guerre, c’est plutôt l’extrême gauche qui inquiète les gouvernements, à cause de la Révolution russe et des risque de contagion révolutionnaire qu’elle fait peser.

  • La Révolution russe

La Révolution russe a éclaté en plein pendant la Première Guerre mondiale. Retour en arrière :

– 1917 : après trois ans de guerre, l’armée russe et l’économie du pays sont totalement désorganisées : les soldats, nombreux mais mal commandés, sont à court de munition et de ravitaillement ; désertions et mutineries se multiplient. A l’arrière, la mise en place d’une « économie de guerre » provoque une pénurie et une inflation. La Révolution éclate le 16 février 1917 à la suite du décret sur le rationnement. De grandes grèves et manifestations ont lieu du 18 au 26 février.

Manifestation des femmes de Petrograd, 23 février 1917. Elles réclament du pain et la fin de la guerre.

– Le 26 février, l’armée tire sur la foule qui manifeste devant le palais d’hiver de Petrograd [*] ; dans la nuit qui suit, une partie des régiments se mutine et rejoint les manifestants avec qui ils s’emparent du Palais d’hiver [*]. L’autorité du tsar commence à s’effondrer : une première révolution, en 1905, avait déjà fragilisé le régime ; les défaites militaires contre l’Allemagne sont ressenties comme un échec du tsar Nicolas II, souverain autocrate, hostile à toute évolution politique ou sociale.

Les marins russes de la base de Kronstadt se mutinent en 1917 et rejoignent la révolution qui vient d’éclater

– C’est un mouvement populaire qui a provoqué la chute du tsar, mais le mouvement est rapidement récupéré par la bourgeoisie. Celle-ci tente de mettre en place un régime parlementaire. Une Douma (Assemblée) est constituée et refuse de se dissoudre malgré l’ordre donné par le tsar, qui croit encore pouvoir imposer sa volonté. Un gouvernement provisoire est mis en place. Il regroupe des bourgeois du parti KD (« Constitutionnel démocratique », en russe) et des socialistes modérés (les Mencheviks).

Vidéo sur le début de la Révolution russe (elle commence au point 0:34mn mais c’est normal, les premières secondes sont sans intérêt) :

– Le 3 mars 1917 : le tsar abdique. La Révolution semble avoir triomphé et réussi à imposer un régime démocratique en Russie, mais pendant les six mois qui vont suivre, deux forces distinctes revendiquent le pouvoir et s’affrontent : d’un côté les bourgeois du parti KD et leurs alliés socialistes modérés (du Parti Menchevique). De l’autre, les Bolchevique (des communistes) qui ont fondé des « Soviets » un peu partout en Russie. Les soviets sont des assemblées populaires qui prennent en charge l’organisation administrative. Il existe ainsi des soviets de commune, de quartier, d’usine ou de régiment. Dans un soviet de régiment, par exemple, il n’y a plus de gradé ; tous les soldat peuvent exprimer leur opinion ; les décisions sont prises au vote.

Le gouvernement provisoire tente de remotiver l’armée russe. Sur les drapeaux : « La Guerre jusqu’à la victoire » et « Empêchons l’ennemi de nous ôter la liberté si chèrement acquise ». (Affiche de 1917)

– Le gouvernement provisoire tente de convaincre les soldats de reprendre le combat contre l’Allemagne. Le chef du gouvernement provisoire, Kerenski, s’appuie sur les arguments suivants : l’Allemagne ne veut pas signer la paix ; elle continue à avancer et à conquérir des territoires russes ; pour ouvrir des négociations équilibrées, il faut d’abord montrer à l’armée allemande que l’armée russe est encore solide et qu’une poursuite de guerre risquerait de durer longtemps et de coûter cher à l’Allemagne (laquelle est inquiète de la possible intervention des États-Unis).

– Les communistes, dirigés par Lénine, réclament la paix immédiate. Le 7 avril 1917, dans un article du journal Bolchevique la Pravda, Lénine énonce un programme politique connu sous le nom des « Thèses d’avril », où il promet que s’il arrive au pouvoir il ouvrira des négociations de paix immédiates avec l’Allemagne (quitte à devoir céder d’importants territoires), qu’il organisera un partage des terres entre tous les paysans et qu’il accordera l’autonomie aux peuples non russes qui vivent en Russie (ainsi, Ukrainiens, Géorgiens, Biélorusses, etc, pourront choisir s’ils préfèrent rester russes ou devenir indépendants).

– Ces promesses rendent Lénine populaire et le convainquent que la population est prête pour un régime communiste. Lénine organise une insurrection armée destinée à renverser la Douma et le Gouvernement provisoire. La date est fixée au 24 octobre. Elle est connue sous le nom de « Révolution d’Octobre » bien qu’il s’agisse en fait plutôt d’un coup d’État.

– Le coup de force d’octobre 1917 permet aux bolcheviques de renverser le gouvernement provisoire et de mettre en place un nouveau gouvernement nommé « Conseil des commissaires du peuple » et dirigé par les Bolcheviks. C’est le premier régime se revendiquant comme marxiste qui accède au pouvoir. Le pays prendra le nom d’URSS en 1922.

Le camarade Lénine balaie la saleté de la terre (1920) On voit Lénine chassant avec son balai les rois, la religion et le capitalisme.

 

Les conséquences de cet événement sont immenses dans le monde entier, et plus particulièrement dans l’Europe dévastée de l’après-guerre.

  • Une vague révolutionnaire en Europe

Influencée par l’exemple bolchevique mais aussi largement provoquée par la guerre mondiale une vague révolutionnaire balaye l’Europe. Comme la Révolution russe, elle est née en réalité au cours de Hiver-printemps 1917, qui a vu les mutineries se multiplier dans toutes les armées des États en conflit. Sur le moment, ces mutineries ont pu être étouffées (contrairement à ce qui s’est produit en Russie), mais la contestation à continué à couver sous les braises. A la fin de la guerre elles ressurgissent.

La révolution éclate en Allemagne (novembre 1918)

 

En Allemagne, une révolution éclate fin octobre 1918 et va se poursuivre jusqu’en août 1919. Grâce à la mutinerie de nombreux régiments de l’armée, l’Empereur Guillaume II abdique. Mais les communistes du parti « Spartakus », qui ont lancé le mouvement, se font déborder par les autres partis politiques (Socialistes, parti Catholique et partis conservateurs de droite) qui s’unissent pour fonder la République d’Allemagne (qui prendra bientôt le nom de « République de Weimar »). Utilisant les Corps-Francs [*], des troupes « loyalistes » qui refusent de suivre les communistes, ces Partis organisent une chasse aux communistes qui s’achèvent par la capture des deux chefs Spartakistes (Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht) qui sont immédiatement fusillés. Des troubles se poursuivent tout au long de l’année suivante mais les communistes sont désormais en situation de faiblesse.

Combats de rue entre Spartakistes et troupes loyales (novembre 1918).

 

On assiste à des événements similaires en Hongrie où est instaurée en mars 1919 une République des Conseils inspirée du système des soviets russe. Cette république des Conseil réussit à se maintenir jusqu’en août 1919 où elle est renversée par l’armée.

Le prolétariat de Hongrie brise ses fers (1919)

 

En Italie, tout le Nord du pays est paralysé par d’immenses grèves des ouvriers tout au long de l’année 1920. Le parti socialiste italien hésite à s’emparer du pouvoir. Il préfère passer par la voie légale, espérant remporter les futures élections. Ce n’est pas du tout ce qui va se produire. Beaucoup d’Italiens, effrayés à l’idée que les communistes puissent prendre le pouvoir, adhèrent à un nouveau parti anticommuniste qui vient de naître : le Parti fasciste de Benito Mussolini. Les patrons et les autres partis politiques protègent et aident les fascistes, convaincus que ces derniers vont servir de barrage contre le communisme. Il n’imaginent pas que Mussolini puisse s’emparer du pouvoir car ils ne le prennent pas au sérieux. Deux ans plus tard, il sera Président du Conseil et commencera à transformer l’Italie en Régime totalitaire.

Des ouvriers italiens ont pris le contrôle de leur usine et formé une « Garde rouge » (1920).

La Russie se retrouve isolée : elle est le seul pays communiste [*]. Mais son influence reste grande sur les mouvements communistes qui se sont organisés dans de nombreux pays. En France, par exemple, les communistes forment leur propre parti (le PCF) en 1920, sur le modèle du Parti bolchevique russe.

Dans de nombreux pays, la peur du communisme provoque l’émergence de mouvements d’extrême-droite. 


Conclusion

La Première Guerre mondiale a été un accélérateur des grandes mutations économiques : industrialisation, essor de l’automobile, de l’aviation ou des télécommunications ont bénéficié des recherches militaires. La guerre a aussi favorisé l’affirmation de la puissance des États-Unis et l’affaiblissement de l’Europe. Elle a également eu des répercussions sociales importantes : déséquilibre démographique, début d’émancipation des femmes, ruine des rentiers, accélération de l’exode rural… C’est donc un monde profondément transformé qui émerge des ruines de la guerre.

Sur le plan géopolitique, elle n’a pas réellement permis de régler les conflits qui avaient causé l’embrasement de 1914 ; même si le redécoupage des frontières a mis fins à certains conflits ethniques, il en a provoqué de nouveaux. Les traités paix n’ont satisfait que la France et ont provoqué de nombreux litiges frontaliers suite aux redécoupages des États ; ils ont aussi fait naître un fort mouvement revanchard en Allemagne.

La guerre a temporairement marqué une progression de la démocratie en abattant quatre grands Empires (Russe, Allemand, Autrichien et Ottoman), mais les démocraties qui leur succèdent sont presque toutes balayées dans les années qui suivent par la montée des mouvements d’extrême-droite.

La guerre a introduit une brutalisation de la vie politique qui va être particulièrement sensible dans les démocraties les plus fragiles : montée du fascisme et du nazisme, coups de forces divers pour régler des litiges frontaliers…

Il est excessif de dire que la Première Guerre mondiale aurait, à elle-seule, préparé la Seconde, mais il est certain que la terrible sévérité du Traité de Versailles et les maladresses du redécoupage de l’Europe ont été des causes majeures de la Seconde Guerre mondiale, sans oublier les frustrations de catégories sociales qui ont été ruinées par la guerre et par l’inflation des années 1920 (principalement les classes moyennes). Il ne manquait plus qu’une étincelles pour mettre le feu aux poudres : ce fut la Crise économique des années trente.