LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

INTRODUCTION

La Première Guerre mondiale est l’aboutissement de tensions qui n’ont fait que s’aggraver tout au long des trente années qui l’ont précédées. En ce sens, son déclenchement n’a pas surpris grand monde. En revanche, personne ne s’attendait à une guerre de cette nature ni de cette longueur. Quant à ses conséquences, elles sont tellement marquantes et touchent à tant de domaines que les historiens considèrent qu’elle marque la véritable entrée dans le vingtième siècle.
Ceux qui ont vécu cette guerre ont vu leur existence bouleversée. Beaucoup ont conclu qu’elle marquerait un tournant dans l’histoire. Après une telle boucherie, croyaient-ils, l’humanité ne pourrait évoluer que vers des relations plus pacifiques. La suite leur a donné tort : vingt-et-un ans seulement après la fin de la Première Guerre mondiale, une seconde guerre du même type éclatait et allait se révéler encore pire dans son ampleur et dans ses effets destructeurs.

Les ruines de Liévin (Pas-de-Calais) en 1918

– Pourquoi ce conflit prévisible n’a pas pu être évité et pourquoi a-t-il été impossible d’y mettre un terme rapidement ?
– Comment les sociétés, les économies, les sciences et les techniques se sont-elles retrouvées impliquées dans cette longue guerre et avec quelles conséquences ?
– Dans quel état matériel et dans quelle état d’esprit les nations belligérantes sont elles sorties de la guerre et comment ont-elles tenté de construire un nouvel ordre international ?


TABLE DES MATIÈRES

1/ LES CAUSES ET LE DÉROULEMENT DU CONFLIT

a) Les causes de la Première Guerre mondiale

b) Les grandes phases du conflit

2/ L’IMPLICATION TOTALE DES SOCIÉTÉS DANS LA GUERRE

a) Une guerre totale

b) La vie quotidienne à l’arrière

3/ LE BILAN DE LA GUERRE, LES DIFFICULTÉS DU RÈGLEMENT DE LA PAIX ET LES TROUBLES DE L’APRÈS-GUERRE

a) Le bilan de la guerre

b) Les traités de paix et la tentative de mise en place de la SDN

c) Des Traités contestés dans une Europe au bord de la révolution

Les chars d’assaut font leur apparition à la fin de la guerre (ici, un char Renault FT-17 de 1918)


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1/ LES CAUSES ET LE DÉROULEMENT DU CONFLIT

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a) Les causes de la Première Guerre mondiale

A la fin du 19ème siècle, trois grandes problématiques dominent les relations internationales et la vie politique des États européens : la montée du nationalisme, la question du développement économique et la question coloniale. Chacune de ces questions est source de tensions entre les États.

  • Image d’un livre d’instruction civique pour enfant des années 1880 (la leçon porte sur les règles de politesse). Les Allemands y sont rabaissés au niveau des chiens français. Le nationalisme prend souvent la forme d’une critique des peuples voisins, considérés comme moins civilisés.

    La montée du nationalisme

Le nationalisme est le sentiment de supériorité de sa propre nation qu’éprouve une personne (ou un peuple) envers les autres nations. Cela peut prendre la forme d’une conviction d’appartenir à une nation plus civilisée, plus performante que les autres ; cela prend aussi souvent la forme d’un attachement excessif aux symboles nationaux, comme la vénération du drapeau du pays ou de son hymne. Enfin, cela prend parfois une forme d’agressivité envers les autres nations, voire de racisme.

Pourquoi assiste-t-on à cette époque à une montée du nationalisme en Europe? La raison principale est que, depuis la Révolution française, l’idée du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » s’est répandue. Mais ce désir de chaque peuple de disposer d’un État à lui est encore loin d’être réalisé en Europe au début du XXème siècle. De nombreux peuples n’ont pas d’État, comme les Polonais, les Slovènes ou les Tchèques. Certains États englobent dans leurs frontières de nombreuses ethnies, comme l’Empire d’Autriche-Hongrie où l’on trouve non seulement des Autrichiens et des Hongrois, mais aussi des Polonais, des Tchèques, des Serbes, des Roumains, des Italiens, des Croates, etc… Tous ces peuples sans État tentent d’affirmer leur Nation de manière symbolique (et souvent par des attitudes agressives).

Par ailleurs, certains peuples ont réussi à constituer un État souverain au cours du 19ème siècle, comme la Belgique, la Grèce, l’Italie ou l’Allemagne, mais ces jeunes nations ont besoin de s’affirmer par rapport aux puissances beaucoup plus anciennes que sont la France, le Royaume-Uni ou la Russie. Cette affirmation passe aussi par une attitude parfois agressive vis-à-vis des pays voisins.

Enfin, même les vieilles nations, comme la France, l’Angleterre ou la Russie, face à l’agressivité des jeunes nations, développent aussi un sentiment nationaliste, comme le montre l’image ci-contre, révélatrice des relations entre la France et l’Allemagne à cette époque.

  • La question du développement économique

L’Europe est alors en pleine phase d’industrialisation. Mais celle-ci n’a pas commencé dans tous les pays en même temps et pas pris les mêmes formes. L’industrialisation a été très précoce en Angleterre (où elle est très avancée), en France ou en Belgique; un peu plus tardive en Allemagne (mais le pays a rattrapé son retard et sa puissance industrielle et commerciale menace maintenant la domination britannique, comme le montre le tableau ci-dessous). L’industrialisation est beaucoup moins avancée en Italie, en Russie ou en Autriche, où elle ne touche à cette époque que quelques régions. On assiste à une montée de la concurrence commerciale ou technologique qui oppose les puissances en voie d’industrialisation.

En outre, beaucoup de grands patrons de l’industrie ne seraient pas mécontents qu’une guerre se produise : non seulement cela leur permettrait de vendre plus de canon et de matériel militaire (comme le Français Schneider ou l’Allemand Krupp, tous les deux gros producteurs d’armement), mais cela pourrait détourner les ouvriers des questions sociales. La vidéo suivante évoque cette problématique :

Vidéo : L’influence des marchands de canons sur le déclenchement de la guerre (1mn37)

 

Le Royaume Uni, l’Allemagne, la Russie, la France et le Japon en rivalité pour se partager le territoire de la Chine. Les rivalités coloniales sont un des facteurs de la guerre.

  • La question coloniale et l’impérialisme

Elle est fortement corrélée à celles du nationalisme car les colonies sont un atout géostratégique : posséder des colonies permet de disposer des bases militaires sur d’autres continents et de renforcer sa maîtrise des voies maritime.

La question coloniale est également corrélée et à celle de l’industrialisation car les colonies fournissent des matières premières tout en offrant des débouchés commerciaux ; elles sont donc un atout non négligeable pour renforcer le poids économique d’un État.

Or, le gros des colonies est entre les mains du Royaume Uni et de la France ; l’Allemagne, le Portugal, les Pays-Bas et la Belgique possèdent également des empires coloniaux non négligeables (bien que très réduit par rapport à ceux de la France ou du Royaume-Uni). Mais les autres pays d’Europe ont très peu de colonies. Cela entraîne des tensions importantes, en particulier entre la France et l’Allemagne, qui se sont heurtées au sujet de la conquête du Maroc.

La constitution d’empires coloniaux constitue donc une forme d’impérialisme. L’impérialisme peut se résumer à une volonté de dominer l’espace le plus étendu possible, soit d’un point de vue militaire (occupation d’un territoire) soit par une domination économique ou diplomatique. Les puissances européennes ne cherchent pas seulement à occuper des territoires d’Afrique, d’Asie ou d’Océanie, elles veulent exercer leur influence sur le monde or les colonies sont un atout pour cela.

La Première Guerre mondiale résulte aussi d’un rééquilibrage des puissances en Europe. La France avait dominé le continent depuis le règne de Louis XIV jusqu’à la chute de Napoléon Premier, laissant le Royaume Uni s’affirmer comme la nouvelle puissance dominante, grâce à son avance économique, à son empire colonial et à la supériorité de sa marine. Mais la montée en puissance de l’Allemagne vient rebattre les carte et crée de nombreuses tensions car toutes ses puissances ont des niveaux de développement qui diffèrent et des intérêts qui s’opposent.

  • La puissance de la Grande Bretagne

Elle s’appuie à la fois sur son immense empire colonial, sa domination financière (la Livre Sterling est la monnaie internationale) et sa supériorité maritime. On parle alors d’une « économie-monde britannique ». Mais son industrie, qui a longtemps été la plus avancée du monde, commence à être concurrencée par celle de l’Allemagne, ce qui la pousse à essayer de renforcer son influence géopolitique en multipliant les implantations coloniales et en développant sa marine de guerre. L’Allemagne étant le danger principal pour le Royaume Uni, celui-ci cherche à se rapprocher du principal adversaire de l’Allemagne sur le continent européen : la France.

  • La puissance retrouvée de la France

Très affaiblie par le Congrès de Vienne de 1815, la France a peu à peu retrouvé une place de grande puissance européenne grâce à son développement économique (elle est un concurrent économique sérieux de la Grande-Bretagne, mais moins menaçant que l’Allemagne). Elle rivalise avec l’Angleterre sur le plan colonial (les deux pays ont failli entrer en guerre en 1898 au sujet de la colonisation du Soudan mais on finalement trouvé un arrangement) et son influence s’étend également sur les cinq continents et sur toutes les mers. Depuis la crise de Fachoda (1898) la France et le Royaume Uni ont procédé à un rapprochement. En effet, la France se trouve opposée à l’Allemagne sur divers sujets : la reconquête de l’Alsace et de la Moselle (perdues en 1871) ou la colonisation du Maroc. Les deux pays ont donc des intérêts opposés à ceux de l’Allemagne. C’est ce qui pousse la France à accepter le rapprochement avec le Royaume Uni. Les deux pays signent un pacte nommé « Entente cordiale » en 1904.

L’Entente cordiale : un rapprochement entre la France et le Royaume Uni qui met fin à des siècles de rivalités

 

La Triplice emmenée par l’Allemagne. L’Italie est déjà un peu à la traîne.

  • L’Allemagne, puissance montante en Europe

L’Allemagne s’est imposée comme une grande puissance industrielle et commerciale. En ce qui concerne le commerce, elle a même ravi à la Grande Bretagne son leadership. L’Allemagne exporte maintenant plus de produits dans le monde que le Royaume Uni. Elle est également devenue une puissance militaire redoutée en battant l’Autriche-Hongrie (1866) et la France (1871) et en développant l’armée la plus moderne d’Europe. Mais c’est une nation jeune, en train de construire son identité, qui cherche à s’affirmer dans le concert des grandes puissances. Son Empire colonial reste modeste en comparaison avec celui de ses deux principaux rivaux ; l’agrandir est un de ses objectifs. Cela en fait le principal rival de la France. L’Allemagne a elle aussi conclu des alliances : la Duplice, avec l’Autriche-Hongrie, en 1879, qui devient la Triple Alliance (ou Triplice), avec la signature de l’Italie en 1882.

  • La Russie, « géant aux pieds d’argile »

La puissance du pouvoir tsariste et de son armée masquent mal le fait que la société russe est en ébullition : une révolution a déjà failli renverser le trône en 1905. Le tsar Nicolas II a dû accepter la mise en place d’une Assemblée (la Douma) mais il entend maintenant réaffirmer son pouvoir absolu. Son refus d’assouplir le pouvoir et d’accepter les plus petites réformes libérales sont en train de conduire son pays vers une nouvelle révolution. Économiquement, la Russie n’en est qu’au début de sa révolution industrielle (limitée aux grandes villes de l’Ouest : Moscou, Saint-Petersbourg ou Kazan) et reste très majoritairement rurale. La Russie a des relations médiocres avec tous ses voisins : avec l’Allemagne, les tensions remontent au Moyen âge ;  avec l’Angleterre elles se dégradent depuis les années 1870 ; mais c’est surtout avec l’Empire Ottoman et l’Empire Austro-hongrois que les tensions sont les plus fortes.

Cet isolement relatif va pousser la Russie à se rapprocher de la France par l’Alliance franco-russe (1893). Les relations de la Russie avec l’Angleterre sont mauvaises car les deux pays cherchent à contrôler la Mer Noire ainsi que les deux détroits qui permettent de passer de la Mer Noire à la Méditerranée [*]. Pour la Russie c’est une question vitale car en hiver les ports du nord (comme Mourmansk) sont pris dans les glaces et la Russie rêve donc de disposer d’un accès direct à la Méditerranée (chose qui devient essentielle depuis l’ouverture du Canal de Suez). C’est la France qui pousse la Russie et l’Angleterre a oublier leur désaccord et à signer un pacte d’entente. L’Entente cordiale franco-britannique devient en 1907 la Triple Entente.

Ces deux grandes alliances opposées, Triple Alliance et Triple Entente, comportent des clauses d’entraide militaire au cas où l’un des membres d’une alliance subirait une attaque de la part d’un membre de l’autre.

La pieuvre russe menace l’Allemagne (en bleu au centre, sous les traits de Bismarck) et tente de déloger l’Empire Ottoman (couché entre l’Asie et l’Europe) pour se frayer une route maritime vers la Méditerranée (caricature de 1877)

 

Tandis que la Serbie rêve de s’agrandir sur les territoires Autrichiens peuplés de Serbes, l’Autriche projette d’en finir avec cette menace en annexant la Serbie. Ainsi, il n’y aurait plus de « Serbes d’Autriche  » et de « Serbes indépendants ». Ils seraient tous autrichiens. Sur l’image, ce soldat autrichien déclare : « Hourra, marchons sur Belgrade. La Serbie doit être à nous! »

  • Deux puissances déclinantes : l’Autriche-Hongrie et l’Empire Ottoman

Deux autres puissances importantes vont jouer un rôle majeur dans le déclenchement du conflit : l’Empire d’Autriche-Hongrie et l’Empire Ottoman. Ils cherchent tous les deux à retrouver leur puissance d’antan et cela passe soit par des alliances, soit par des guerres. Toute la zone située entre ces deux États, zone connue sous le nom de « Balkans » (c’est-à-dire le Sud est de l’Europe) est menacée par les tensions impliquant ces deux empires, ce qui fait qu’on parle souvent de la « poudrière balkanique ». C’est d’ailleurs une étincelle dans cette poudrière qui va provoquer la guerre.

  • L’Empire Ottoman

C’est un État en déclin,  miné par des divisions ethniques (plus de 13 « nations » distinctes vivent sur son territoire : Arméniens, Arabes, Kurdes, Serbes, Kosovars, Juifs…). Il connaît aussi des troubles politiques intérieurs : montée d’un courant républicain qui veut renverser le Sultan et tensions entre Turcs et Arméniens. L’Empire se trouve en conflit ouvert avec plusieurs pays européens.

– Conflit avec la Russie pour le contrôle des régions du Caucase et de l’Asie Centrale ;

– conflit avec l’Autriche-Hongrie au sujet de la domination sur la Bosnie (ce territoire de l’Empire Ottoman est passé sous le contrôle de l’Autriche depuis 1878 mais la majorité des Bosniaques étant musulmans, l’Empire Ottoman revendique son droit sur cette région) ;

– conflit enfin avec l’Angleterre, qui voudrait prendre le contrôle des détroits reliant la Mer Noire à la Méditerranée (Détroit du Bosphore et Détroit des Dardanelles).

L’Empire Ottoman s’est tellement affaibli depuis un siècle qu’il est surnommé « l’Homme malade de l’Europe ».  Il occupe encore à l’époque des territoires assez importants en Europe, dans la région des Balkans (territoires correspondant aux actuelles Macédoine du Nord et Albanie) mais il en a perdu une bonne partie (comme la Bosnie ou la Bulgarie au cours des trois dernières décennie). Un rapprochement de l’Empire Ottoman avec l’Allemagne s’opère car les deux pays ont des intérêts économiques importants (l’Allemagne achète du pétrole aux Ottoman et elle construit des voies ferrées dans l’Empire Ottoman) et ils n’ont pas de conflits majeurs qui les opposent.

Incapable de réagir, l’Empire ottoman (avec le chapeau rouge) voit ses territoires lui échapper. L’Autriche-Hongrie s’empare de la Bosnie ; la Bulgarie déclare son indépendance.

 

  • Les derniers feux de l’Empire d’Autriche-Hongrie

L’Empire d’Autriche-Hongrie a été la seule puissance du continent qui pouvait tenir tête à la France au XVIIIème siècle et au début du XIXème. Elle n’est plus que l’ombre d’elle même mais elle continue à vivre dans l’illusion de sa puissance passée. État très vaste en superficie, elle est cependant miné par des divisions ethniques car elle abrite dans ses frontières une douzaine de peuples différents (Tchèques, Hongrois, Serbes, Slovaques, Polonais, Italiens, Roumains, Croates, etc.). Plusieurs de ces peuples menacent d’entrer en révolte pour obtenir leur indépendance.

Au Sud de l’Empire, la Serbie constitue une gêne majeure. En effet, il y a des populations serbes qui vivent dans l’Empire d’Autriche-Hongrie et qui rêvent de faire sécession, c’est-à-dire de se déclarer indépendantes pour fusionner avec la Serbie (conflit n°5 sur la carte ci-dessous). La Serbie fait d’ailleurs tout pour encourager l’agitation des Serbes d’Autriche-Hongrie.

L’Autriche-Hongrie entretient des relations mauvaises avec presque tous ses voisins : ses territoires peuplés d’Italiens (n°1) veulent être rattachés à l’Italie ; même chose pour ses territoires peuplés de Roumains (n°4) qui rêvent d’être rattachés à la Roumanie et pour les Serbes (n°5) qui veulent former la Grande Serbie ; les Polonais (n°2) veulent leur indépendance ; la région peuplée de Ruthènes (n°3) est convoitée par la Russie.

L’Autriche-Hongrie entretient des relations très mauvaises avec la Russie non seulement à cause de la question ruthène (voir carte ci-dessus) mais aussi parce que la Russie encourage le mouvement du Panslavisme. Ce mouvement vise à unir tous les peuples slaves du sud de l’Europe (Croates, Monténégrins, Slovènes, Serbes etc) en un seul grand État slave qui serait sous la protection de la Russie. Or la moitié de ces slaves vivent dans l’Empire d’Autriche-Hongrie.

C’est dans ce contexte compliqué que l’Attentat de Sarajevo va mettre le feu aux poudres. Le 28 juin 1914 un étudiant serbe assassine l’archiduc François Ferdinand (fils de l’Empereur d’Autriche), en visite en Bosnie.

Vidéo : L’attentat de Sarajevo (2mn06)

L’Attentat de Sarajevo vu par la presse française (Une du Petit Journal). Personne en Europe ne se doute alors que ce fait divers va entrainer la guerre un mois plus tard.

L’Autriche lance un ultimatum de à la Serbie (23 juillet 1914). Elle exige de pouvoir mener l’enquête sur les organisateurs de l’attentat en Serbie et elle interdit à la Serbie toute propagande anti-autrichienne. Cet ultimatum inacceptable (dans la mesure où il signifierait que la Serbie renonce à sa souveraineté) est rapidement rejeté. La Serbie ne s’inquiète pas des menaces autrichiennes car elle a reçu l’assurance d’un soutien inconditionnel de la part de la Russie.
L’Autriche n’espérait pas vraiment que la Serbie accepte l’ultimatum. Elle attendait un prétexte pour pouvoir déclarer la guerre à la Serbie. Le refus des Serbes constitue le prétexte espéré. L’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie le 28 juillet 1914. Cela provoque ce qu’on a appelé « l’engrenage de Sarajevo » à cause des deux alliances qui lient les puissances européennes entre elles : la Triple Alliance et la Triple Entente.

  • Comme prévu, la Russie intervient pour défendre la Serbie et déclare la guerre à l’Autriche le 30 juillet.
  • L’Allemagne, liée à l’Autriche-Hongrie par la Triple Alliance déclare la guerre à la Russie le 1er août
  • Elle déclare aussi la guerre à la France le 3 août, car celle-ci a soutenu la position russe (en raison des accords franco-russes). L’Allemagne attaque la France (en envahissant la Belgique) le 4 août.
  • Cela provoque l’entrée en guerre du Royaume-Uni, lié à la France et à la Russie par la Triple Entente.

Le « Jeu des Alliances »

Les dépenses militaires de l’Allemagne et des autres puissances européennes

 

  • Qui a provoqué la guerre ?

La question de savoir qui porte la responsabilité principale du déclenchement de la guerre est encore débattue de nos jours par les historiens. Il apparaît cependant clairement que l’Allemagne porte une responsabilité majeure. Non seulement elle a déclaré la guerre à la Russie et à la France, deux pays qui ne l’avaient pas agressée, mais elle a été la première à attaquer, qui plus est en violant la neutralité de la Belgique. Enfin, c’est le pays qui a dépensé le plus en armement depuis le début du 20ème siècle.

Mais on peut considérer que l’Autriche-Hongrie porte aussi une lourde responsabilité dans la mesure où elle a tout fait pour provoquer la guerre contre la Serbie, sachant qu’elle serait soutenue par l’Allemagne (l’empereur autrichien s’était assuré que l’empereur allemand, Guillaume II, respecterait les clauses de la Triple alliance).

La Russie porte une part de responsabilité car, en renouvelant sa promesse de protéger la Serbie quoi qu’il arrive, elle a laissé les Serbes multiplier les provocations anti-autrichiennes. De plus, la Russie a déclaré la guerre à un pays (l’Autriche) qui ne l’avait pas agressée.

Enfin, la France a eu une attitude ambiguë : le président de la République, Raymond Poincaré, était un Lorrain qui rêvait de reconquérir l’Alsace et la Moselle, ce qui était une opinion assez répandue en France (on appelait tous ceux qui voulait la guerre contre l’Allemagne les « revanchards »). Poincaré ne pensait pas que la guerre se produirait mais la déclaration de guerre allemande était pour lui plutôt une bonne chose car elle donnait une opportunité à la France de récupérer ces territoires sans passer pour l’agresseur. Même chose pour le Royaume Uni : il ne voulait pas provoquer une guerre mais voyait dans l’éclatement du conflit une opportunité d’affaiblir son principal rival : l’Allemagne.

Un exemple de Une revancharde : au fond, la cathédrale de Strasbourg en feu et les silhouettes de soldats prussiens rappellent la guerre de 1870. En bas à gauche, des cadavres de soldats français de 1870 qui semblent implorer l’homme au centre de leur venir en aide. Cet homme, c’est Jean Jaurès, militant socialiste qui s’est battu jusqu’à sa mort* pour le pacifisme. Marianne, vêtue en guerrière lui montre les ravages des Allemands en lui disant « Souvenez-vous donc ». (précisons que Jaurès sera assassiné le 31 juillet 1914 (trois jours avant la guerre) par un ultranationaliste français)

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b) Les grandes phases du conflit

Tout le monde pensait que le guerre serait de courte durée. Les dernières guerres européennes n’avaient jamais duré plus de quelques semaines. Il y avait pourtant eu aux États-Unis, de 1860 à 1865, une guerre d’un type nouveau qui avait duré cinq ans et où l’artillerie avait joué un rôle très important, la Guerre de Sécession, mais personne n’imaginait que la guerre qui éclatait maintenant en Europe ressemblerait à celle-là.

Les défenses du Fort Brady pendant la Guerre de Sécession

 

L’Allemagne espérait rééditer son exploit de 1871 et écraser rapidement la France. Pour cela, elle avait un plan conçu par les stratèges Moltke et Schlieffen (connu sous le nom de « Plan Schlieffen »), qui consistait à prendre les Français par surprise en attaquant là où on ne les attendaient pas. Eliminer les Français rapidement était essentiel car l’Allemagne devrait se battre sur deux fronts et, à l’Est, l’énorme armée russe (surnommée le « Rouleau compresseur ») inquiétait beaucoup l’état-major allemand.

L’Offensive allemande à l’Ouest (conçue par les généraux Moltke et Schlieffen, elle est connue sous le nom de « Plan Schlieffen »)

 

  • L’échec de la guerre de mouvement

L’offensive allemande est lancée sur deux fronts :

– Les Allemands lancent le plus gros de leurs troupes à l’Ouest pour obtenir une paix rapide avec la France.

– A l’Est, le « rouleau compresseur russe » enfonce dans un premier temps les troupes allemandes mais l’avancée des Russes est stoppée à la Bataille de Tannenberg (août 1914) provoquant un important recul de l’armée russe. C’est le début d’une longue reculade russe qui va aboutir deux ans et demi plus tard à la chute du tsar et la révolution.

L’offensive des Allemands en août 1914 a pris les Français par surprise car ils ne s’attendaient pas à une attaque par la Belgique (pays neutre). Rapidement les troupes allemandes s’approchent de Paris mais elles sont stoppées in extremis par la contre-offensive de la « bataille de la Marne » (sept. 1914).

Pour arrêter les Allemands, les Français ont mobilisé toutes les troupes disponibles et les ont acheminées jusqu’à la Marne au moyen de camions, charrettes, autobus et même tous les taxis de Paris, qui ont été réquisitionnés. Cet épisode est connu sous le nom des « Taxis de la Marne » (5 au 12 septembre 1914). Non seulement il a sauvé la France de la défaite, mais il illustre un aspect nouveau de la guerre : les engins motorisés vont pour la première fois jouer un rôle essentiel dans un conflit.

Les « Taxis de la Marne » (en réalité les 6000 taxis n’ont transporté qu’une petite partie du million de soldats ; la plupart sont venus à pied ou en bus)

 

Voici une vidéo qui retrace les débuts de la guerre et notamment la Bataille de la Marne et le fameux épisodes des « taxis de la Marne » :

La « course à la mer » d’octobre-novembre 1914

Stoppés à peu près au niveau de la rivière Aisne (voir la carte ci-dessus) les Allemands bifurquent alors vers le Nord pour contourner l’armée française et la prendre à revers. Les Français et les Britannique déplacent une partie de leur troupes vers le Nord pour stopper les Allemands. Ils essayent même de les prendre de vitesse afin de les prendre à revers. En quelques semaines les deux armées atteignent la mer sans qu’aucune n’ait réussi à prendre l’autre de vitesse. Cela provoque un allongement de la ligne de front qui s’étend maintenant sur plusieurs centaines de kilomètres, de la Champagne jusqu’au Pas-de-Calais (oct.-nov. 1914).

  • L’enlisement et le début de la guerre de position

L’échec allemand lors de la Bataille de la Marne a été un coup très dur qui a démoralisé les troupes, car la victoire finale semblait à portée de main. Certes, le fait d’avoir à réussi à repousser les Russes à l’Est maintient l’Allemagne dans une situation très positive, mais l’hiver arrive et l’armée allemande n’a pas prévu une campagne militaire de longue durée. Pour passer l’hiver en sécurité, l’état-major allemand ordonne de faire creuser des tranchées et d’y aménager des abris.Les Français dont de même de leur côté. Aucun des deux camps ne sait encore qu’ils vont rester immobilisés quasiment sur la même ligne de front pendant près de trois ans. En tout cas, l’hiver 1914-1915 met un terme à la guerre de mouvement, qui devient alors une « guerre de position » (chaque camp essaye de consolider sa position et de faire reculer l’adversaire), ou « guerre de tranchée ».

Voilà comment le Général Joffre analyse le passage de la guerre de mouvement à la guerre de tranchées :

« La victoire de la Marne et la rude campagne de deux mois qui l’avait suivie avaient arrêté l’invasion la plus formidable dont la France, qui en a tant vues, aient jamais subi jusque-là les horreurs ; elle l’avait forcé à reculer, l’avait clouée au sol, mais laissait aux mains de l’ennemi pour un temps dont nous ne pouvions mesurer la durée, une riche portion de notre territoire […]. Mais il n’en restait pas moins qu’en cette fin d’année 1914, les Allemands dont le plan reposait sur une mise hors de cause foudroyante des armées françaises, venaient de perdre tout espoir de gagner la guerre. J’en avais bien la nette impression […]. Faute de mieux, les Allemands s’enterraient devant nous dans un système défensif qui allait chaque jour se perfectionnant. […] Une terrible guerre naissait à laquelle il allait falloir s’adapter au plus vite. La création d’un matériel puissant d’artillerie s’imposait, doté de stocks de munitions devant l’importance desquels l’imagination reculait. À la fin de 1915, l’artillerie de campagne était plus que doublée […], l’artillerie lourde de tous calibres développée dans de grandioses proportions […] bien que dix de nos départements fussent aux mains de l’ennemi et avec eux notre bassin métallurgique de l’Est, nos mines de charbon du Nord. »

Maréchal Joffre, commandant en chef des armées en 1914, Mémoires, Plon

Comme l’indique Joffre,les tranchées allemandes sont très perfectionnées car les Allemands ont la ferme intention de ne pas reculer. Ils souhaitent maintenir leur position au moins durant tout l’hiver. Au contraire, pour les Alliés franco-britannique, les tranchées sont provisoires car ils espèrent repousser assez vite les allemands. Inutile, donc de construire des tranchées trop sophistiquées si elles ne doivent servir que quelques jours.

Une tranchée allemande

Une tranchée britannique

 

Les tranchées sont organisées en un réseau complexe de « lignes », généralement au nombre de trois : la « ligne d’assaut », la ligne de repli et la ligne arrière. Elles sont reliées entre elles par des boyaux et comportent des fosses qui servent de poste de commandement, poste de secours, lieu de stockage de munition ou abris pour les hommes. (voir schéma ci-contre)

Les tranchées deviennent rapidement des éléments de tactique militaire très difficiles à franchir par les troupes d’infanterie et de cavalerie. Les blindés n’existent pas encore et l’aviation ne sert au début de la guerre qu’à espionner les camps adverses (il n’y a pas encore de bombardiers).

Pour faire reculer l’adversaire, chaque camp lance régulièrement des assauts. Un assaut est toujours précédé par une phase de violents bombardements d’artillerie (appelé « pilonnages » ou « marmitage »). Celui-ci peut durer jusqu’à 24 heures sans interruption. Des canons à tir vertical ont été mis au point, les « mortiers » pour que les obus retombent dans la tranchée adverse au lieu de la survoler. L’année suivante, des gaz de combat seront mis au point pour déloger l’adversaire de sa tranchée en l’asphyxiant. Ces gaz vont faire de très nombreux morts et blessés graves, et ils vont maintenir les soldats dans une peur permanente de ce qu’ils surnomment la « mort invisible ».

Une tranchée ayant subi un « marmitage », comme on peut le voir aux centaines de cratères d’obus tout autour. Pendant ces moments là, les soldats ne pouvaient rien faire d’autre que prier pour que l’obus tombe un peu plus loin.

Des soldats français dans leur tranchée attendant le signal de l’assaut (on peut le voir au fait qu’ils ont fixé la baïonnette au bout du fusil au cas où ils réussiraient à atteindre la tranchée adverse et devraient alors se battre au corps-à-corps). Ils sont protégés par un masque à gaz.

 

Au Sud de l’Europe, l’affrontement entre l’Autriche-Hongrie et la Russie évolue de la même manière : aucun camp n’a réussi à prendre le dessus sur l’autre de manière décisive et, l’hiver arrivant, ils creusent des tranchées. Il en va de même sur le front de l’Est, entre l’armée russe et l’armée allemande.

Soldats russes dans une tranchée, sur le front de l’Est, en 1916

Voici une vidéo qui illustre la guerre des tranchées :

  • La Guerre se mondialise

En mai 1915, l’Italie rompt son alliance avec l’Allemagne et entre en guerre au côté des Alliés. La France a promis à l’Italie qu’en cas de victoire elle pourrait récupérer les territoires autrichiens peuplés d’Italiens (régions d’Istrie et de Dalmatie). L’Allemagne, de son côté, bénéficie de l’entrée en guerre de la Bulgarie (septembre 1915). L’entrée en guerre de ces nouveaux belligérants ne modifie pourtant pas fondamentalement le rapport de forces, même s’il oblige l’Allemagne à envoyer des troupes soutenir l’Autriche, qui doit maintenant elle aussi se battre sur deux fronts : à l’est contre les Russes ; au sud, dans les Alpes, contre l’Italie.


Outre ces principaux front, des combats importants ont lieu tout autour de l’Empire Ottoman, où il subi les attaques des Russes, des Grecs et des Anglais (voir la carte ci-dessus). En Asie, le Japon, allié des Français et des Britanniques, attaque les colonies allemandes de Chine.

La prise du port de Qingdao par les troupe japonaises en novembre 1914 (dessin japonnais de 1915)

 

Vidéo sur la mondialisation de la guerre :

Enfin, la guerre s’étend aussi sur mer :
– Pour asphyxier l’économie des « Empires centraux », la marine britannique organise le blocus des ports allemands.
– L’Allemagne réplique par la « Guerre sous-marine à outrance » : tous les navires ennemis ainsi que ceux des pays qui commercent avec eux sont coulés. Cela va provoquer l’entrée en guerre des États-Unis. Voici une courte vidéo sur la « Guerre sous-marine à outrance » :

Sur le front Ouest, les années 1915 et 1916 sont marquées par une série d’offensives et de contre-offensives improductives mais très meurtrières comme la Bataille d’Ypres (célèbre pour son utilisation importante de gaz de combat) ou la Bataille de Champagne, et surtout la Bataille de Verdun. Cette bataille est la des plus longue de la guerre (10 mois), l’une de celles qui a opposé le plus grand nombre de soldats (1.140.000 hommes côté Alliés, 1.250.000 côté allemand) et l’un des plus meurtrières (210.000 morts en tout et plus de 400.000 blessés). L’offensive a été lancée par l’Allemagne qui espérait soit percer les défenses françaises, soit « saigner à blanc » l’armée française, c’est-à-dire lui faire consommer tous ses hommes valides jusqu’à épuisement. La résistance de l’armée française a fait échouer les deux objectifs (les Allemands ont perdu quasiment autant d’hommes que les Français) et, surtout, elle a achevé de détruire les espoir allemands d’une victoire décisive.

Vidéo sur le début de la Bataille de Verdun :

  • La montée du mécontentement dans les armées et la Révolution russe

Les offensives et contre-offensives sanglantes menées depuis l’hiver 1914-1915 jusqu’au au printemps 1917 n’ont pas fait beaucoup bouger les lignes de front. Au prix de centaines de milliers de morts et de millions de blessés, les armées ont avancé de quelques kilomètres, avant de les reperdre quelques semaines plus tard.

De plus en plus les soldats ont le sentiment d’être considérés comme de la simple « chair à canon » par des officiers qui les méprisent. Cela finit par provoquer la colère des soldats. Beaucoup songent à déserter ou à refuser de partir à l’assaut. Peu osent exprimer leurs sentiments ou mettre en pratique leur refus de continuer la guerre car ils ont peur de passer pour des lâches aux yeux de leurs camarades et, surtout, les sanctions sont impitoyables : la condamnation à mort. Mais il suffit qu’un soldat ose exprimer son refus au sein d’un régiment pour qu’aussitôt de nombreux autres lui emboîtent le pas. C’est ce qu’on appelle une mutinerie. Plusieurs mutineries vont se produire, sur tous les fronts, et dans toutes les armées, au cours de l’année 1917. Voici le témoignage de Louis Barthas (militant socialiste et pacifiste mobilisé dès 1914) sur la manière dont pouvait éclater une mutinerie :

« En ce moment éclata la révolution russe. […] Ces événements eurent leur répercussion sur le front français et un vent de révolte souffla sur presque tous les régiments. Il y avait d’ailleurs des raisons de mécontentement; l’échec douloureux de l’offensive du Chemin des Dames qui n’avait eu pour résultat qu’une effroyable hécatombe, la perspective de longs mois encore de guerre dont la décision était très douteuse, enfin, c’était le très long retard des permissions, c’était cela je crois qui irritait le plus le soldat. […] un soir, un caporal chanta des paroles de révolte contre la triste vie de la tranchée, de plainte, d’adieu pour les êtres chers qu’on ne reverrait peut-être plus, de colère contre les auteurs responsables de cette guerre infâme et les riches embusqués qui laissaient battre ceux qui n’avaient rien à défendre. Au refrain, des centaines de bouches reprenaient en chœur et, à la fin, des applaudissements frénétiques éclataient auxquels se mêlaient les cris de « Paix ou Révolution ! A bas la guerre ! », etc. »

Caporal Louis Barthas, Carnets de guerre, 1914-1918.

Vidéo sur les mutineries dans l’armée française :

Au total, moins de 1% des soldats français vont se mutiner, soit environ 40.000 hommes. 554 d’entre eux sont condamnés à mort mais la plupart seront graciés afin d’apaiser le mécontentement. Quarante-neuf meneurs sont malgré tout fusillés.

L’armée italienne est la plus sévère et va fusiller de nombreux soldats, accusés notamment de s’être infligé volontairement des blessures pour pouvoir être évacué du front. En effet, des soldats se tiraient volontairement une balle dans le bras ou la jambe et laissaient la blessure s’infecter. Ils perdaient alors leur bras ou leur jambe, mais la guerre était finie pour eux. Sauf si le médecin pouvait prouver que le coup de feu avait été tiré de très près (ce que montrait la peau brûlée autour du trou de la balle). Dans ce cas, le soldat était considéré comme un déserteur et fusillé. La pratique était répandue dans toutes les armées mais c’est en Italie qu’il y a eu le plus de fusillés.

Exécution d’un soldat français en 1917

 

Même si les soldats n’osent pas se soulever, ils expriment de plus en plus leur écœurement dans des chansons, comme la « Chanson de Craonne » (qu’il était rigoureusement interdit de chanter, voire simplement de siffloter) et surtout dans les lettres qu’ils écrivent à leur famille. Des dizaines de milliers de lettres révèlent l’épuisement et la colère des hommes. Mais elles sont toutes lues par le service de contrôle postale et soit elles sont censurées (on passe les passages censurés à l’encre noire), soit elles sont purement et simplement confisquées.

Lettre de soldat censurée. Celle-ci ne critique pas la guerre mais le soldat a donné des indication de lieu sur la position de son régiment, ce qui était rigoureusement interdit de peur que la lettre tombe entre les mains de l’ennemi, qui aurait ainsi pu disposer d’informations sur la position des armées françaises.

 

Pour calmer les mutins, les armées ne pratiquent pas que la répression. Elles savent qu’elles doivent lâcher du lest. En France, la ration quotidienne de vin est doublée (1 litre par jour et par soldat), la nourriture est améliorée et plus de permissions sont accordées (en particulier aux régiments qu’on soupçonne de vouloir se mutiner, afin de les éloigner du reste de l’armée). Certains régiments, en effet, on appris ce qui se passait en Russie depuis le mois de février 1917.

En Russie, la mutinerie se généralise : des régiments entiers refusent de continuer la guerre. Quand ils apprennent qu’une révolution a éclaté à Petrograd et que le Tsar a abdiqué en mars 1917, ils jettent leurs armes et rentrent dans leur village.D’autres se joignent à la Révolution dans les grandes villes.

Sur les banderoles de ces soldats russes mutinés on peut lire « A bas la monarchie – Vive la République démocratique »

L’armée russe continue à se battre pendant quelques mois car les Allemands refusent la trêve demandée par le gouvernement provisoire qui a pris le pouvoir en Russie. Désorganisés, ne disposant quasiment plus de matériel et d’uniformes, les Russes sont enfoncés par l’armée allemande et doivent demander l’armistice le 26 octobre 1917. Au même moment, l’entrée en guerre des États-Unis va faire basculer le conflit.

  • Entrée en guerre des États-Unis et victoire finale des Alliés

L’Allemagne coule systématiquement les navires qui ravitaillent les Alliés, dont beaucoup de navires venus des États-Unis ce qui provoque leur décision de déclarer la guerre à l’Allemagne le 6 avril 1917. Mais les États-Unis n’ont presque pas d’armée (il n’y a pas de service militaire obligatoire là-bas et le pays ne dispose que de 125.000 hommes de troupe) et très peu de matériel. Un appel aux volontaires permet de réunir 100.000 hommes supplémentaires. Plus tard, une conscription est mise en place (par tirage au sort) permettant de constituer une armée de plus de deux millions d’hommes. Ceux-ci ne vont cependant arriver en Europe qu’au cours de l’année 1918.

Le matériel est prêté par les Français et les Britanniques. En attendant, les soldats étasuniens, inexpérimentés, s’entraînent avec des fusil de bois. Il faudra de long mois avant que les forces des États-Unis pèsent réellement dans le conflit.

Le premiers régiments américains débarquent à Saint-Nazaire. Leur cri de guerre : « Lafayette, nous voilà », en souvenir de l’aide que la France avait apportée, 130 ans plus tôt, aux insurgés américains dans la Guerre d’Indépendance.

Vidéo sur l’arrivée des forces étasuniennes en France :

A l’Est, les Allemands sont maintenant libérés de la menace Russe mais le nouveau gouvernement russe tarde à signer la paix (il faut attendre presque 10 mois que que le traité de Paix de Brest-Litovsk soit signé, en mars 1918). Cela permet aux Allemands de rapatrier toutes leurs troupes sur le front Ouest, alors que les soldats des États-Unis sont encore peu nombreux. Pendant quelques semaines, la balance penche en faveur des Allemands, qui disposent de troupes beaucoup plus nombreuses.

Vidéo sur la reprise de la guerre de mouvement en mars 1918 :

Ils décident donc de lancer une dernière offensive, qui devra être rapidement décisive car si ils tardent trop à enfoncer les troupes adverses, cela laissera aux étasuniens le temps d’arriver et, de plus, les Allemands commencent à être à cours de munitions, d’uniforme et de nourriture

  • La fin de la guerre

Au printemps 1918, c’est le retour de la guerre de mouvement. Les Allemands réussissent à enfoncer la ligne de front et arrivent à portée de tir de Paris (leurs canons peuvent tirer à 100 kilomètres). Mais ils ne parviennent pas à aller plus loin et, grâce à l’arrivée de nouveaux régiments venus des États-Unis,  l’écrasante supériorité numérique des Alliés se traduit par un recul inexorable des Allemands. Ils sont repoussés en Allemagne à la fin de l’été 1918.


Dans le même temps, les Anglais poussent l’Empire Ottoman à la capitulation (fin 1917) ; les Italiens enfoncent l’Autriche en octobre 1918 et les franco-anglais écrasent la Bulgarie et poussent l’Autriche à la capitulation (4 nov. 1918). L’Allemagne a perdu tous ses alliés. Elle est ruinée. Son armée n’est plus ravitaillée.

Début novembre 1918, la révolution éclate en Allemagne : toute la flotte de guerre se mutine et les communistes prennent le pouvoir à Berlin, tandis que dans la plupart des grandes villes les Républicains renversent les autorités impériales ; la République de Weimar est proclamée le 9 novembre 1918. Guillaume II abdique. Ses officiers demandent l’armistice, qui entre en vigueur le 11 novembre 1918 à 11 heures.

Vidéo sur l’effondrement allemand et l’armistice :

La signature de l’Armistice dans le train du Maréchal Foch (n°1), aux côtés du Général Weygand (n°2) et de l’Amiral britannique (n°3). Face à eux, la délégation allemande. Ce sera un civil qui signera, afin que la défait ne retombe pas sur l’armée allemande, qui pourra ainsi affirmer ensuite qu’elle n’a jamais été vaincue mais qu’elle a été trahie par le gouvernement révolutionnaire, qui a signé l’armistice dans son dos. Cette légende (reprise ensuite par Hitler) s’appelle le mythe du « Coup de poignard dans le dos ». Aucune photo n’a été prise de cette signature. Il s’agit ici d’un dessin anonyme mais les personnages sont très ressemblants.

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