« The Lamb Lies Down On Broadway » est le sixième album de Genesis. C’est son quatrième et dernier disque réunissant le quintet classique Peter Gabriel, Phil Collins, Mike Rutherford, Steve Hackett et Tony Banks. Juste après la sortie de cet album, Peter Gabriel a quitté le groupe pour voler de ses propres ailes. Deux ans plus tard, ce sera le tour du guitariste Steve Hackett.
Le quintet classique avec, de gauche à droite, Mike Rutherford, Phil Collins, Peter Gabriel, Steve Hackett et Tony Banks.
En attendant, au moment où sort « The Lamb Lies Down On Broadway », Genesis est considéré par beaucoup comme étant à l’apogée de sa créativité. Depuis l’album « Trespass », en 1970, chaque disque a marqué un progrès qualitatif saisissant. Toutefois, l’album qui précéde « The Lamb Lies Down On Broadway », intitulé « Selling England by the pound », a pour la première fois donné l’impression d’une légère stagnation. Il ne se distingue pas beaucoup du précédent (« Foxtrot », publié en 1972 et que beaucoup considèrent comme le meilleur album de Genesis) et il comprend même deux morceaux assez dispensables : le long et un peu répétitif « The Battle of Epping Forrest » ainsi que l’exercice de vocalises « More fool me », qui permet à Phil Collins d’assurer le chant principal pour la première fois – mais pas pour la dernière.
La sortie de « The Lamb Lies Down On Broadway », en novembre 1974, a de quoi déconcerter. A la première écoute, il ne ressemble à rien de ce qu’a fait Genesis avant ou après. Ce groupe avait pourtant réussi à évoluer de disque en disque tout en conservant sa forte personnalité. Or, pour la première fois, le pas qui est franchi par rapport à l’album précédent (« selling England by the pound ») est bien trop grand pour ne pas choquer même les fans les plus endurcis. Pour ceux qui en douteraient, voir le streaming ci-dessous :
Le son, en effet, s’est considérablement durci et, sous l’influence de Brian Eno (dont le travail est sensible sur des titres tels que « The Grand Parade Of Lifeless Packaging » ou « Silent Sorrow In Empty Boats »), il s’est aventuré dans une veine plus expérimentale. Presque plus d’arpèges à la guitare 12 cordes, presque plus de mélopées éthérées à la « Cinema Show », mais par contre plusieurs titres lourds et puissants, comme « Broadway Melody Of 1974 », « Back In N.Y.C. » ou « Lilywhite Lilith », assez inhabituels chez Genesis, même si en cherchant bien, on pouvait déjà trouver de telles tendances sur certains passages de « Supper’s Ready » ou bien de « Dancing with the moonlit knight ».
Genesis était jusqu’ici un groupe dont la musique, les paroles et les pochettes évoquaient plutôt le passé, les ambiances bucoliques, la fantaisie de Lewis Carroll… « The Lamb Lies Down On Broadway » rompt complètement avec cette image : le disque est résolument futuriste et urbain ; le titre lui-même est sans ambiguïté : l’histoire se déroule à New York, mais plutôt dans le New York des bas-fonds et des souterrains glauques. Elle est alambiquée au possible, cette histoire, presque punk. Pour ceux que cela intéresse, elle est assez bien racontée dans l’article de Wikipedia consacrée à l’album.
La pochette de l’album, elle-même, marque une rupture par son choix d’utiliser pour la première fois des photos et d’adopter le noir et blanc, alors que les pochettes précédentes étaient des dessins chatoyants.
Après ce disque, et malgré – ou à cause – du départ de Peter Gabriel, parti entamer une prolifique carrière solo, Genesis reviendra à un format plus classique – du moins selon les propres critères du groupe, à tel point que l’on pourrait croire que l’album « A trick of the tail » (1976) est la suite directe de « Selling England by the pound » (1973). « The Lamb Lies Down On Broadway » est donc une anomalie ou une parenthèse dans la carrière de Genesis. Et pourtant, c’est l’un des plus grands albums de rock de tous les temps, et je pèse mes mots. Avec le « The Wall » de Pink Floyd, le « Tommy » des Who, le « London Calling » de Clash ou le « Goodbye Yellow Brick road » d’Elton John, il est assurément l’un des doubles albums les plus passionnants de l’histoire du rock.
Sa diversité musicale, sa complexité mélodique et la richesse de ses ambiances sont exceptionnelles, ce qui fait qu’on peut l’écouter des dizaines de fois sans jamais s’en lasser. Le travail sur les sonorités est inouï. A la centième écoute, on découvre encore des choses (voir par exemple l’instrumental « The Waiting Room » avec sa première partie de musique concrète et sa métamorphose progressive en un rock hallucinant, avec des changement de rythme assez époustouflants). La récente version remasterisée de l’album a d’ailleurs grandement renouvelé l’envoutement. Moi qui croyait le connaître à fond, j’ai découvert des détails sonores jusque là inaudibles. Une vraie réussite, que souligne d’autant plus que la plupart des remasterisations n’ont généralement pas ou peu d’effet et ne sont en général qu’un prétexte à faire cracher les amateurs au bassinet. Le travail effectué sur les disques de Genesis est tout bonnement remarquable (à ma connaissance, seule la discographie de Dead Can Dance a subi un relifting aussi réussi).
Peter Gabriel dans le rôle de Rael, le personnage principal de « The Lamb lies down on Broadway »
Peter Gabriel, qui est un très bon chanteur, atteint des sommets, notamment sur des titres comme « Broadway Melody of 1974 », « In the Cage » ou « The Chamber of 32 Doors ». Cet album, qui possède plus d’un point commun avec certaines chansons des albums qu’il publiera au début de sa carrière solo peut-être considéré comme son chant du cygne (du moins au sein de Genesis) ainsi que comme le disque sur lequel son influence est de loin la plus prépondérante, ce qui est d’autant plus étonnant qu’il n’a pas été présent durant la totalité des sessions en raison de la naissance de son premier enfant et de son travail, au même moment, sur un projet du musique de film avec William Friedkin. Ce sont les autres membres du groupe qui ont composé l’ensemble de la musique. Cela explique l’importance des passages instrumentaux dont beaucoup sont de toute beauté, comme « Hairless Heart » ou « Silent Sorrow in Empty Boats ». Le jeu de clavier de Tony Banks a rarement été aussi imaginatif (grandioses soli sur « In the Cage », « The Colony of Slippermen » ou « Riding the scree » et très belles parties de piano sur la plupart des autres titres. Les guitares sont nettement en retrait de la voix et du clavier par rapport aux albums précédents mais, bizarrement, cela ne gêne jamais. C’est l’impression générale, l’ambiance des chansons, qui importe ici et, de ce point vue, cet album est une réussite totale. On se laisse emporter par un maelström sonore auquel on ne parvient à échapper qu’à la toute fin du disque, avec la seule chanson ratée : « It », décidément trop simpliste et répétitive.
Une interprétation de certaines scènes de « The Lamb Lies down on Broadway » par l’artiste David Raphael (l’oeuvre, créée en 2009 s’intitule « Sunshine in my stomach » – d’après les paroles de la chanson « In the cage »)
En plus, si la qualité est là, ce n’est pas au détriment de la quantité. Genesis, qui a toujours publié des albums assez longs (à tel point que je n’arrivais pas à les faire tenir en entier sur une face de cassette 90 mn) nous a encore gâté avec cet album. Il ne s’agit pas d’un de ces doubles albums d’à peine 60 minutes comme le « Faces » d’Earth, Wind & Fire : les 4 faces sont remplies jusqu’à la gueule et la durée totale avoisine les 95 minutes..
Wikipedia nous apprend que « lors de la tournée mondiale qui suivit la sortie de l’album (1974 et 1975), le groupe le jouait dans son intégralité et dans l’ordre, de manière à ce que le spectateur entre dans le récit. Entre les chansons, Gabriel racontait l’histoire de Rael. Durant cette tournée, le groupe utilisa plus d’effets spéciaux que lors des précédentes. De nombreux éclairages créaient des ambiances surréalistes, à l’arrière-scène, des diapositives (1 124 sur tout le concert) étaient projetées sur trois écrans et illustraient l’histoire. »
Le personnage de Slipperman durant un concert (Mike Rutherford à l’arrière-plan avec la guitare à deux manches)
Il existe un live officiel de cette tournée, sur le coffret « Archive Volume 1 », qui inclut le concert donné au Shrine Auditorium de Los Angeles le 24 janvier 1975 dans son intégralité. Malheureusement, le groupe n’était pas très en forme lorsque l’enregistrement fut effectué, c’est pourquoi en 1995 Peter Gabriel et Steve Hackett ont accepté de réenregistrer totalement leurs parties respectives pour une réédition du concert du Shrine Auditorium sur le coffret « Box Set Genesis 1970-1975 ». Sinon, il existe de nombreux bootlegs dont plusieurs avec une qualité FM ou soundboard (par exemple le concert de West Palm Beach, en Floride, le 10 janvier 1975, ou celui de Groningen, aux Pays-Bas, le 10 avril 1975), mais j’ai toujours trouvé que ces concerts, aussi soignés soient-ils, ne rendaient pas totalement justice à l’album, qui est d’abord un extraordinaire travail de studio, une vraie sculpture sonore, difficile à restituer sur scène, d’autant que pris par la difficulté de l’œuvre, les musiciens ne se permettaient plus la moindre tentative d’improvisation.
On peut se faire une idée d’un des concerts de cette tournée grâce à la vidéo ci-dessous :
Pour conclure, ceux qui ne connaissent pas bien Genesis ou ceux qui n’aiment de ce groupe que « Mama » ou « I can’t dance » peuvent passer leur chemin. Ils trouveront probablement cet album insupportable. Ceux qui, à l’inverse, ne voient dans Genesis qu’un groupe de vieux hippies seront tout aussi déconcertés. Pour apprécier cet album, l’idéal serait d’ignorer qui en est l’auteur et d’abandonner tout préjugé.
J’aime GENESIS de selling england by the pound jusqu’au départ de Steve HACKETT,seconds out live in PARIS au palais des sports, porte de VERSAILLE, enregisté sur deux années, 1976 et 1977.
le meilleur album de genesis avec peter gabriel apres le groupe fera du commercial moins interessant plus facile collins etant leader
C’est aller un peu vite en besogne… Les trois albums suivants restent excellents. C’est à partir de Duke que ça commence à se gâter.